Portrait d’un homme passionné, épris de « justesse »

bernardArtisan menuisier, ébéniste, chef d’entreprise, Bernard Rebelle a été aussi président d’un syndicat professionnel, membre actif d’une Chambre des Métiers, des engagements vécus « à fond » et dont il témoigne avec force.

 Bernard, ton parcours professionnel a été marqué par des engagements importants, et ton parcours personnel par un engagement fort dans la formation PRH, en quoi est-ce que c’est lié ?

Moi, dans mes rêves d’ado, je voulais être ‘’technicien’’, c’est-à-dire être à la fois dans la conception technique et dans la réalisation pratique, mais mes études ne m’ont pas permis de le réaliser tout de suite. C’est d’être chef d’entreprise, en fin de compte, qui m’a permis, plus tard, de le réaliser.

Dès que j’ai commencé à travailler, après mon CAP d’ébéniste, j’avais en moi ce projet de me mettre à mon compte, mais j’ai commencé par travailler dans plusieurs petites entreprises pour parfaire mes connaissances du métier, et c’est ma première session PRH, ‘’Qui suis-je ?’’ en 1980, qui a été le facteur déclenchant.

Là, j’ai vraiment pris conscience de mes capacités, et j’ai pu commencer à mettre en œuvre concrètement dans ma vie ce que j’avais découvert, c’est cela qui m’a amené à la création de mon entreprise l’année suivante.

Nous avons commencé la démarche PRH en couple, et le couple et la famille, ça a été vraiment le premier bénéfice de PRH. Déjà la famille était un terreau fertile pour moi, je viens d’une famille nombreuse, où j’ai vécu des moments heureux, les sessions de couple m’ont ‘’enraciné’’ dans ma famille.

Si je me suis par la suite beaucoup investi dans l’entreprise, j’ai toujours recherché un équilibre entre vie de famille et vie de l’entreprise, pour moi-même mais aussi pour chacun de mes ouvriers, ça dans le milieu des artisans c’était assez rare.

Justement, quel artisan as-tu été ? J’aurais envie de te dire : ‘’dans quel bois étais-tu taillé ?’’

Moi je suis d’abord un travailleur manuel, je m’exprime par le geste, par le ‘’faire’’ (même patron, il fallait que j’aille à l’atelier, ça donne une certaine ‘’couleur’’ à une entreprise…) Cette confrontation à la matière amène sans cesse à ajuster ses gestes, sa manière de faire, PRH de son côté m’a donné le goût d’ajuster ma manière d’être, mes attitudes, mes prises de paroles (autant d’ailleurs dans mes relations professionnelles que dans mes relations familiales)

Et puis, c’est sûr, j’ai une âme d’artisan, c’est-à-dire qui travaille la matière en étant aussi chef d’entreprise. PRH m’a permis d’approfondir cette conscience de mon identité professionnelle, de mon appartenance au milieu professionnel des artisans, et donné envie d’être plus existant dans ce milieu-là. A ce moment-là, je me suis engagé et j’ai pris des responsabilités dans un syndicat professionnel.

Qu’est-ce qui a changé concrètement ?

Avant, je ne parlais pas facilement, je ne me remettais pas en question facilement. J’avais des complexes par rapport aux personnes qui avaient un certain savoir et une maîtrise du langage, cela me gênait et me faisait réagir soit par la colère soit par l’enfermement. PRH m’a aidé à conscientiser ce que je vivais, m’a aidé dans l’expression de ce que je vivais, de ce que je portais.

Par le travail personnel, avec persistance et au pas à pas, j’ai pris de l’assise intérieure et acquis un espace plus grand et plus sécurisé pour me dire, et ainsi devenir plus présent à ce que je faisais. Cela a porté des fruits auprès de mes collègues qui reconnaissaient que ma parole était juste, qu’elle posait les justes interrogations et qu’elle faisait bouger les choses.

C’est comme ça que j’ai été repéré par les responsables de mon syndicat qui m’ont invité à m’engager davantage, jusqu’à en être élu président en 2000. La présidence d’une telle organisation ouvre des portes, je suis devenu membre actif d’une Chambre des Métiers, puis président de l’union professionnelle artisanale départementale, j’étais très impliqué ; mais j’ai refusé d’aller plus loin vers des postes plus politiques, je voulais rester en lien avec mon métier. Cette fidélité à moi, cette cohérence dans mes choix, me donnaient beaucoup de liberté avec les politiques, je pouvais avoir un langage clair avec eux, même si parfois ça les choquait.

Et dans ton entreprise ?

Dans l’entreprise, ‘’la vie n’est pas un long fleuve tranquille’’… et bien des ajustements ont été nécessaires tout au long de mes trente années d’artisanat. Plusieurs sessions ont été utiles pour ajuster mes engagements, mes responsabilités, la gestion de mon temps, et ma manière d’être. Avec les années j’ai pris confiance dans ce que j’avais à dire, le rôle que j’avais à jouer, la place que j’avais à prendre.

Ma ‘’relation client’’ par exemple, a beaucoup bénéficié de mon cheminement personnel. J’ai approfondi ma capacité d’écoute de mes clients, ce qui m’a aidé à mieux vendre mon savoir-faire, et m’a donné plus d’aisance commerciale. Cela a participé, sans nul doute, à la réussite de mon affaire.

PRH m’a aussi engagé à assumer mes valeurs dans l’entreprise, en particulier le respect des hommes. Pendant les trois premières années j’ai travaillé seul, puis j’ai embauché. Avec l’embauche des ouvriers j’ai pris des risques, j’ai souvent embauché des gens qui avaient besoin de plus que du boulot (des jeunes en difficultés, des toxicomanes…)

Ce qui est en moi, c’est une attention particulière aux personnes les plus démunies, et je sais que le travail est un facteur important pour la progression de ces personnes. Le travail apporte de la stabilité, de l’indépendance, et l’assurance d’être utile, pour peu que la personne commence par se sentir respectée dans l’entreprise.

J’ai eu aussi très tôt le souci de transmettre le métier. Avec les apprentis (j’en ai formé une vingtaine au long de ma carrière) le respect des hommes, c’était capital. Je voulais transmettre mais pas n’importe comment, transmettre quelque chose de juste ; faire balayer l’atelier aux apprentis…ça ce n’est pas possible !

D’ailleurs aujourd’hui la transmission du métier, c’est toujours important pour moi, je gère une équipe d’artisans retraités qui font découvrir les métiers du bâtiment dans les collèges.

C’est ce que j’allais te demander : aujourd’hui, à la retraite, qu’est-ce que tu vis ?

Eh bien, j’ai gardé cet engagement, et un autre, très important aussi pour moi : l’accompagnement des artisans en difficulté. J’ai connu moi-même cette épreuve, des impayés qui ont mis mon entreprise en danger. Alors je partage mon expérience, et les collègues me voient avec de l’assise et pas du découragement, et ça leur donne de la force.

Tu parles de force, et en t’écoutant je la ressens cette force, je trouve qu’elle se dégage de ton témoignage. De quoi est-elle faite à ton avis cette force?

D’abord, c’est sûr, il y a une force de Vie en moi, une énergie, un élan, un amour de la vie, un appétit de vivre, c’est ce qui fait mon caractère passionné je pense. Je vis les choses à fond, aujourd’hui en faisant mon jardin ou avec mes petits enfants, comme hier dans mes engagements syndicaux.

Mais surtout il y a une force de conviction en moi. Une conviction sur la place de l’humain, la priorité de l’humain, dans les entreprises, dans les groupes, dans la société. La conviction que chaque homme a une valeur, une place à prendre, et un rôle à jouer, et que moi en tant qu’homme, comme les autres j’ai ma part à faire, et ça, ça m’engage jusqu’au bout.

De son coté PRH aussi m’engage jusqu’au bout, en face à face avec moi-même ; et je vis à fond mon désir de progression, d’ajustement permanent, pour être le plus proche possible de ce que j’ai à vivre, pour moi, et –à la mesure qui est la mienne- pour l’humanité.

Interview réalisée par Paul Etienne Perez, collaborateur bénévole de PRH

10 commentaires sur « Portrait d’un homme passionné, épris de « justesse » »

  1. Merci beaucoup pour ce témoignage très fort, authentique …On sent combien l’outil PRH a permis aux qualités, richesses, compétences qui vous habitent de se déployer avec vigueur ! Magnifique collaboration entre les découvertes et comment elles s’actualisent …

  2. Merci Paul-Etienne et Bernard pour ce portrait qui me touche et me rejoint dans la sensation d’être responsable de moi, responsable d’être moi, de déployer qui je suis… être soi, en fidelité jusqu’au bout dans le concret de nos vies, dans le terreau de notre être et pour le monde ! cette force qui se dégage avec justesse est vraiment inspirante… MERCI

  3. Un grand merci pour ce magnifique témoignage qui dégage tant de force, de justesse et de Joie.
    Il illustre avec profondeur, et vient me conforter, me renforcer dans le lien aussi nécessaire qu’indispensable, entre engagement personnel et engagement sociétal…comment en effet arriver à coïncider de plus en plus précisément avec notre axe d’existence, celui qui nous dé-voile  » ce pour quoi unique » de notre vie sur terre, si nous ne prenons pas un soin vigilant, déterminé, persévérant dans le dégagement de notre jaillissement premier , jusqu’à nos origines, jusqu’à sa source…. ?
    Bernard nous montre combien ce lent et patient « travail de creusement » peut nous conduire à toujours plus d’unité, d’unification « jusqu’au bout », plénitude…communicative! Merci.
    Nicole Langlois-Meurinne.

  4. Merci, Bernard, pour ton témoignage très vrai, et surtout pour ta fidélité à toi qui transparait dans tes mots, et ton engagement concret au service de tes collègues. Tu exprimes très bien comment le travail sur toi rejaillit dans ta vie concrète, et comment tes difficultés du quotidien t’ont conduit à travailler sur toi plus profondément. Tu rejoins mon expérience et ma conviction : loin de nous éloigner des autres ou de toute action pour un monde plus humain, le cheminement personnel bien vécu ouvre aux autres. En nous transformant, nous contribuons à transformer le monde qui nous entoure.
    Merci aussi à Paul-Etienne, qui a eu l’intuition de ces entretiens dans le blog, et qui a osé partager son intuition, et contribuer à sa mise en oeuvre. Un autre exemple de concrétisation d’une intuition, après celui partagé par Valérie Bitz dans cet article.
    Régis Halgand

  5. Merci Bernard pour ce beau témoignage, pour ta générosité, ta capacité à te remettre en cause, à aller de l’avant au pas à pas, à te pencher sur ceux qui peinent, à prendre soin de ta vie et de celle de ceux qui te sont proches.
    Tu dis « il y a une force de Vie en moi, une énergie, un élan, un amour de la vie, un appétit de vivre », oui c’est vrai et cela réveille la Vie autour de toi. Merci. Nadine

  6. Merci Bernard pour ton témoignage et ton authenticité.
    C’est ressourçant et ça donne envie de continuer ce long travail de cheminer vers soi, ça réveille la vie en moi!
    Marie-Claude

  7. Merci Bernard de ce beau témoignage où je reconnais ta belle authenticité. Je rejoins ce que certains ont dit plus haut sur le fait que la formation PRH entre autres, mais aussi ta personnalité j’imagine, t’ont ouvert aux autres et à ta force intérieure, et ont renforcé en quelque sorte ton impact social. Cela me conforte dans la conviction que j’ai qu’en me changeant moi-même, en avançant dans ma croissance, je contribue au changement sociétal ! Cela demeure pour moi une forte motivation à progresser !
    Merci à toi et à Paul-Etienne de nous le partager !

  8. Un beau témoignage . Je mesure aujourd’hui la valeur du travail d’un artisan maintenant que mon mari qui était artisan zingueur-couvreur ne peut plus rien faire…J’aime beaucoup votre souci et votre engagement à « transmettre » à la fois vos valeurs et vos dons.Le monde actuel a un réel besoin de personnes comme vous.

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