Selon le système explicatif PRH, l’être est l’instance la plus importante de la personne. Cet essentiel positif qui nous habite est pourtant peu connu. C’est pourquoi il est toujours intéressant, au gré des lectures, d’en découvrir certaines évocations. Le vocabulaire ou l’approche anthropologique peuvent varier, mais les ressemblances sont frappantes avec ce que PRH décrit. En voici un exemple.
Dans Reinventing organizations (Editions Diateino), Frédéric Laloux cite Parker Palmer, « pédagogue, écrivain et militant, qui a passé sa vie à étudier les conditions qui nous permettent de chercher et de réussir à être entièrement nous-mêmes au milieu des autres » : « Quel est le genre d’espace qui nous donne la meilleure chance d’entendre la vérité de notre âme et de nous y conformer ? (…) Ma réponse vient de la seule métaphore à ma connaissance qui reflète la nature de l’âme tout en respectant son mystère : l’âme est un animal sauvage. Comme lui, elle est solide, résiliente, futée, pleine de ressources et autonome : elle sait comment survivre dans des lieux hostiles. Nous sommes nombreux à découvrir ces qualités dans les moments les plus sombres de notre vie, quand les facultés sur lesquelles nous comptons habituellement nous font totalement défaut, quand l’intellect ne sert plus à rien, quand les émotions sont mortes, la volonté impuissante et le moi en morceaux. Mais, parfois, au plus épais des forêts de notre vie intérieure, nous percevons la présence de quelque chose qui sait rester en vie et nous aide à avancer. Ce « quelque chose« , je suggère que c’est notre âme, résistante et tenace.
Toutefois, si solide qu’elle soit, l’âme est également farouche. Comme un animal sauvage, elle recherche la sécurité du couvert des sous-bois, surtout quand il y a du monde autour. Si nous voulons voir un animal sauvage, nous savons que la dernière chose à faire est d’entrer en force dans le bois en criant pour qu’il en sorte. Mais si nous entrons sans bruit, si nous attendons patiemment, assis au pied d’un arbre, si nous respirons au rythme de la terre et si nous nous fondons dans le décor, la créature sauvage que nous désirons voir fera peut-être une apparition. (…)
Malheureusement, dans notre culture, une communauté se résume souvent à une troupe qui entre en force, dans les bois, effrayant l’âme et la faisant fuir. (…) Dans ces conditions, ce qui peut émerger, c’est l’intellect, les émotions, la volonté, le moi, mais pas l’âme que nous avons fait fuir, avec tout ce qu’elle inspire, les relations respectueuses, la bonne volonté et l’espoir. »
Je ne sais pas comment vous recevez cette image d’un animal sauvage pour parler de l’être (l’âme, dans le vocabulaire de Parker Palmer) ?
Pour ma part, je reconnais bien le côté « solide, résilient, futé, plein de ressources et autonome » de l’être, et ce « quelque chose » qui reste solide quand tout s’écroule. C’est vrai aussi que l’être se révèle dans le silence de l’intériorité : nous l’apprenons avec les temps d’être. Il se manifeste aussi dans des relations profondes, qui demandent un temps d’apprivoisement, de l’écoute, du respect, et pas du tapage ou de l’empressement. Nous ne choisissons pas non plus ce qui se passe au plus profond de nous-même avec notre volonté (notre moi-je) : j’aime la comparaison entre cet accueil des sensations qui viennent de notre profondeur et la rencontre que l’on peut faire avec un animal sauvage. Il y a dans les deux cas quelque chose de magique, impromptu, indomptable : on ne décide pas, on accueille.
Toutefois, je vois une limite à cette comparaison entre l’être et un animal sauvage. On peut résister parfois à nos sensations profondes, on peut être dérangé au niveau de l’image que l’on a de soi-même et donc avoir du mal à accepter notre réalité profonde, pendant un temps. Mais, si on dépasse nos résistances, l’être nous apparaît comme étant le plus vrai et essentiel de nous-mêmes, et en cela nullement étranger à soi comme le serait un animal sauvage.
Et vous, amis lecteurs de ce blog ? Est-ce que cette image vous parle? N’hésitez pas à nous en faire part.
En attendant de vous partager, dans quelques temps, d’autres écrits sur l’être, je vous souhaite de continuer de fréquenter en vous cette part « solide, résiliente, futée, pleine de ressources et autonome » !
Régis Halgand, formateur agréé PRH
NB : j’avais déjà rassemblé, il y a quelques années, des citations d’auteurs différents sur l’être. Vous les trouverez en cliquant ce lien.
Quand je parle de mon être, je dis : « je » suis …
et que dit l’animal sauvage?
Le système explicatif PRH n’exclut pas la pensée par analogie, comme il n’exclut pas d’autres façons de penser, mais il me situe à un autre niveau où les catégories habituelles sont dépassées. Il n’aboutit pas à un concept de l »être » comme l’ont fait les philosophes d’hier et comme le font les penseurs d’aujourd’hui. Peut-être, je me trompe de dire cela !
l’article est intéressant ! Merci !
Bonjour et merci pour votre commentaire.
Toute analogie a ses limites. Bien sûr, notre être a un langage qui nous est accessible. Alors que l’animal sauvage a peut-être un langage, je n’entrerai pas dans ce débat, mais s’il existe, il nous est moins accessible.
Je n’ai pas une culture suffisante sur les philosophes d’hier ou les penseurs d’aujourd’hui pour comparer leurs conceptions de l’être à celle de PRH, et je ne peux donc répondre à votre second point.
Bien cordialement
Régis Halgand
J’aime bien cette image de l’animal sauvage et il ne tient qu’à moi pour l’apprivoiser ou me laisser apprivoiser par lui comme le renard et le petit prince. A force de le fréquenter il n’est plus étranger à moi mais un ami, un complice fidèle à chaque instant. Merci PRH.
Oui, Béatrice, vous avez raison, notre être nous devient de plus en plus familier, et un ami fidèle. Et pourtant, il peut toujours nous surprendre, nous apporter du neuf. Il a sa part d’autonomie qui échappe à la logique ou à la volonté de notre moi-je, et il garde en cela un côté que nous n’avons jamais fini de découvrir. Merci beaucoup pour la référence au petit prince…
Bien cordialement
Merci beaucoup pour cet article qui me parle; j’aime cette comparaison de l’être avec un animal sauvage même si toute comparaison a ces limites.
L’être un animal sauvage dans le sens que je ne peux mettre la main sur l’être mais au contraire je me reçois de Lui.
Je m’approche de mon être dans une attitude d’écoute, de respect, je ne peux forcer quoi que ce soit …ce n’est plus le moi-je qui sait mais qui s’efface devant ce qui lui est révélé…Et je n’ai jamais fini de découvrir du neuf …
Me vient la parole de Jean Vanier :
Toute personne est une personne sacrée.
Merci Marie-Odile,
Je vous rejoins tout à fait dans ce que vous exprimez.
Régis
Pour ma part, je crois que l’apprivoisement de l’Être n’est jamais terminé. D’une part, il contient effectivement une éternelle part de mystère, et, d’autre part, au-delà de ma conscientisation de son existence, mes pensées, mes paroles, mes actes au cours de ma vie me rapprochent ou m’éloignent de cette instance. C’est ainsi que je comprends le caractère « sauvage » ou « farouche » de l’âme auquel se réfère Parker Palmer.
L’Être est cet endroit d’où j’observe ma propre vie qui oscille continuellement entre des opposés : réussite et échec, perte et gain, approbation et réprobation. C’est de là que je suis pleinement conscient de mes réactions de joie et de peine, d’exaltation et de désespoir, de déception et de satisfaction, de crainte et d’espoir, de mon authenticité et de mes lâchetés. C’est de là que je peux contempler ces vagues d’émotion qui m’emportent puis me rejettent au gré des vicissitudes de la vie. A peine ai-je retrouvé un peu de paix que je suis soulevé par la force de la vague suivante comme pris dans un flux et reflux sans fin et épuisant.
Mon Être m’invite à trouver un appui sur la crête des vagues, à poser les fondations d’une vie au milieu de l’agitation incessante de l’océan de l’existence, à prendre pied sur mon roc d’être, cette part insubmersible au cœur de soi, à résister aux attractions profanes et aux distractions qui m’éloignent du solide et du juste en moi, et, inlassablement à augmenter la surface de cette partie émergée capable de faire face à toutes les difficultés, de régénérer ma vitalité de l’intérieur par sa force de résilience et d’auto-renouvellement.
L’Être est cet endroit ou par un effort de compréhension de ce qui m’arrive et de ce que je suis, même si cela va à l’encontre de mes attentes et désirs, ce que je vis m’instruit, ce que je fais me fais. Expérimentant les attitudes fondamentales auxquelles m’invite PRH, force est de constater qu’elles sont de nature à dissiper mes inquiétudes et mes peurs et à me rapprocher de mon essentiel. Apaisé, je peux prendre refuge dans le meilleur de moi-même et retrouver l’élan et le courage pour affronter ce qui doit l’être. Car l’acceptation de soi et des circonstances passées ou actuelles crééent les conditions d’un lâcher-prise, les bases d’une confiance, favorisant les intuitions pour mieux me mettre sur la piste d’une égalité d’humeur, une capacité de détachement et de sérénité face à l’agréable comme au désagréable débouchant sur une tranquillité qui m’est chère.
Philosophe stoïciens, en écrivant ses Pensées, l’empereur romain Marc Aurèle invite chacun à bâtir en lui-même une citadelle inaccessible aux troubles des passions. Mais cette citadelle, où règne la sérénité, n’est pas une tour d’ivoire dans laquelle il se réfugierait égoïstement ; elle est à la fois le haut lieu, d’où l’on accède à un immense champ de vision, et la base d’opérations qui permet d’agir au loin. Autrement dit, cette citadelle est le refuge d’un homme d’action, qui cherche la sérénité, parce qu’elle est la condition indispensable de l’efficacité, et pour qui l’action humaine n’a de valeur profonde et durable que si elle s’insère dans la perspective du Tout de l’Univers et de la communauté de tous les hommes. Ainsi, l’empereur s’efforce de pratiquer trois disciplines fondamentales: voir la réalité telle qu’elle est, en se libérant de tout préjugé passionnel, accepter avec amour les événements tels qu’ils résultent du cours général de la Nature, agir au service de la communauté humaine. Là encore, chacun pourra faire un point avec les attitudes que PRH nous invite à vivre. Merci pour cette belle année 2018 et bonnes fêtes de fin d’année.
Merci beaucoup pour votre riche commentaire. Je souligne juste quelques points. Oui, je crois que l’apprivoisement de l’être n’est jamais terminé, car il semble qu’il n’ait jamais fini d’émerger. C’est une perspective qui me réjouit beaucoup, car la croissance peut s’opérer jusqu’à notre dernier souffle ! Merci de nous partager votre expérience que les attitudes fondamentales mises en évidence par PRH dissipent vos inquiétudes et vous rapprochent de votre essentiel. Et il y a de fait entre ce que l’on observe à PRH et la citadelle de Marc Aurèle, telle que vous nous la présentez.
Bien cordialement
Rapprocher âme et animal nous ramène à leur étymologie commune : anima « souffle, principe de vie ».
Comme l’animal nous sommes animés, poussés, conduits par le souffle, ce principe de vie qui nous convie sans cesse à « devenir » ce « qui nous sommes », gland, chêne ou homme….jusqu’au flocon de neige qui cherche lui aussi à cristalliser de la manière la plus « harmonieuse » ….
A Rochais continue de m’émerveiller par l’ampleur de sa vision universelle, tant par celle des lois d’harmonie, de croissance qu’il décline si efficacement que par sa vision de « l’être-âme » sans laquelle la croissance ne serait pas possible….être-âme nommé dans toutes les cultures et les sagesses, le grand Soi, l’Atman, le Souffle unifiant, le Tao, le Un, le divin en nous, la nature du bouddha en nous etc…quel que soit le nom donné il s’agit toujours de notre trésor unique et unifiant, capable de rayonner, de s’offrir et de recevoir…
Alors oui, ouvrons-nous sans peurs aux conditions qui nous permettent de l’approcher, de l’apprivoiser, de l’embrasser, de l’aimer, de l’écouter, de l’en-tendre, d’y demeurer, que ce soit par la nature, la musique, la danse, la poésie, le chant, la mer ou la montagne, la rencontre et la communion, le partage et le Silence…ou et le travail sur nos entraves !
Puissions-nous nous laisser « être cueillis » pour sentir alors, vibrer sur notre visage le souffle de cet « anima »!
Merci, Nicole, de nous rappeler l’étymologie d’âme, et de nous inviter à la rencontre avec cette profondeur vivante en nous. Elle nous transforme, nous humanise, et, paradoxalement, nous rend davantage nous-même. Un peu à l’image de la rencontre avec certaines personnes, qui nous grandissent et nous rendent meilleurs. Oui, ouvrons-nous à ce trésor au fond de nous-mêmes !
Régis