Contemplation dans l’ordinaire de la vie.

Quand on parle ou entend parler de contemplation, des images viennent souvent de saints auréolés en prière, de moines au visage grave chantant du grégorien, de musique d’orgues et d’atmosphère sérieuse…

Une autre forme de contemplation nous est accessible à tous et je vais tenter maintenant de vous partager quelques petites expériences :

Inévitablement, on trouvera ce qu’un beau cadre naturel ou artistique peut favoriser en nous d’arrêt contemplatif et d’accueil de sensations qui surgissent du plus profond de nous. Nous pouvons alors nous sentir connectés à quelque chose qui nous dépasse et nous nourrit parfois toute une semaine.

Mais voici que surgit en moi quelque chose de beaucoup plus « ordinaire » et qui paradoxalement, mérite qu’on s’y arrête :

  • le regard d’un tout petit
  • le geste d’un enfant
  • le sourire d’un sans domicile fixe
  • la convivialité d’une baraque à frites
  • la solidarité dans la partage de biens : maisons, transport, nourriture, livres, vêtements…

Je ne vais pas forcément développer tous ces exemples mais tenter de partager en quoi je peux les qualifier d’arrêts contemplatifs :

Le regard d’un tout petit

Je vis un émerveillement profond en regardant mon petit-fils de quelques mois dans les yeux ; la lumière de vie qui inonde son regard me touche jusqu’au fond de l’âme ; je peux lui parler doucement ; je peux aussi simplement le regarder avec tendresse et amour ; passe alors une lumière infinie qui me dit combien la vie déjà circule en lui, combien déjà, il a soif de ce dialogue muet, de cette interaction profonde de nos regards ; je suis alors remplie de gratitude joyeuse ; il n’y a pas que ma sensibilité qui vibre ; je suis rejointe au plus profond de moi par ce regard de vie qui m’appelle à la vie et me dit la Vie en nous qui nous dépasse, nous émeut et nous appelle…il n’est pas nécessaire que ce contact dure longtemps ; c’est un instant sublime d’éternité ; une connexion avec l’insondable de son être ; un temps de vibration intense et léger qui me fait donner et recevoir infiniment de chaleur et de douceur.

Le geste d’un enfant

 Ernestine, 5 ans, pleure car elle s’est cognée à une petite table basse en ramassant une carte de jeux ; sa petite sœur, Marjorie, de 18 mois va chercher un mouchoir dans la boîte située à quelques mètres de là et lui apporte en la regardant avec compassion.

Ce geste de la petite m’a sidérée. A un an et demi, elle est attentive à ce que vit l’autre et elle agit immédiatement par elle-même. Ce petit geste me met en contemplation de son être. Quelle conscience déjà, de l’autre proche et de ce qu’il vit !quel sens de l’observation et de l’empathie ! quel amour dans ce petit mouchoir donné pour essuyer les larmes de sa grande sœur qui en est toute touchée ! quelle autonomie et solidité ! elle ne pleure pas avec sa sœur mais agit pour la soulager !

 La convivialité d’une baraque à frites

Oh, diront certains en souriant, comment peut-on être en contemplation en respirant l’odeur des frites ??

Eh oui, c’est possible ! non pas par l’odeur elle-même, quoique…

Non, ce qui m’a mise en contemplation, c’est la convivialité naturelle, simple et humaine du cuisinier et des vendeurs. Rien de forcé, pas de grosses plaisanteries, juste une portion de frites débordante… et oh ! me vient l’image d’une source abondante …Ce cuisinier qui me sert n’est pas obligé d’être ainsi souriant et enjoué. C’est la fin de la journée, il fait cuire et sert des frites depuis 3h déjà. Et pourtant, il sert cordialement, en abondance, en me regardant, en s’adressant à moi quand il me demande si c’est assez, que je lui dis que c’est trop et qu’il enlève un peu de cette énorme portion qui recouvre la petite barquette et est vite emballée dans le papier blanc.

Oui, je suis en contemplation de l’humanité ordinaire ; de ce qui se vit de beau, de bon, de bien, de simple, de naturel dans des personnes rencontrées au cours d’une journée.

L’ambiance de cette baraque à frites me dit aussi toute la chaleur naturelle et la convivialité simple, sans excès, que vivent souvent les gens du Nord…

Je suis nourrie par ce type de rencontres où l’homme vit une vraie communication avec l’autre, une vraie attention à sa tâche et à ceux qu’il sert. Je suis nourrie dans ma foi en l’homme et en l’espérance d’un monde où l’on se regarde, où l’on se parle, où l’on fait attention à l’autre, présent à côté de soi.

Le sourire d’un sans abri

 Là aussi, direz-vous, comment peut-on être en contemplation et se donner bonne conscience en voyant sourire un sans-abri ?

C’est pourtant ce que je vis : quand je vais au marché, je vois souvent plusieurs personnes attendre un geste à l’entrée du marché.

Et puis il y a un petit monsieur, pas tout jeune, qui vend un petit journal pour les sdf.

Ce qui me met en contemplation, c’est le contraste entre ceux qui sont assis à d’autres endroits du marché et lui qui est debout. Il n’a pas plus de ressources ; je le vois bien à ses vêtements, à son regard qui guette ce qu’il pourra recevoir. Je contemple un pauvre en biens mais pas en humanité. Il vend son journal avec discrétion et beaucoup de présence. Il me touche, il m’interpelle par sa présence ; j’entends en moi : «  je fais quelque chose pour m’en sortir et toi, que fais-tu ? me vois-tu ? » et quand je lui achète ce journal, il me sourit et me remercie chaleureusement, sans en faire trop mais très cordialement. Et, non, ça ne me donne pas bonne conscience ; ça me met en contemplation de sa dignité, son courage, sa qualité de présence, la part qu’il fait pour lui et pour d’autres alors qu’il a déjà si peu.

Des vingtaines d’exemples me viennent aussi de ces signes d’humanité, de relations vraiment humaines qui sont perceptibles dans la vie quotidienne de notre société d’aujourd’hui.

S’y arrêter, se laisser saisir par ce qui nous met en contemplation n’est pas anodin.

Apprendre à voir le réel avec les yeux de l’être, sans édulcorer ce qui peut être douloureux, insupportable, violent, mauvais, révoltant et choisir de se laisser contempler ce qui nous touche, nous rejoint, nous réjouit, nous nourrit, nous unit comme êtres et frères humains. C’est possible, dans la vie ordinaire…

Je vous souhaite une bonne année de contemplation.

Béatrice Sablonnière, formatrice agréée PRH

9 commentaires sur « Contemplation dans l’ordinaire de la vie. »

  1. Merci pour cette contemplation au quotidien. Ce texte m’ouvre le regard, m’aide à cheminer , à lâcher ma retenue et laisser libre cours à mon émerveillement, à le goûter.
    Puissent toutes ces contemplations irradier le quotidien de chacun et donner la force pour transformer ce qui révolte.

  2. Grand merci, Béatrice, de nous inviter à ce regard profond, de contemplation, d’émerveillement, d’humanité vraie. C’est un beau cadeau que tu nous fais.
    Régis

  3. Contempler, c’est s’arrêter… regarder, recevoir, un visage, un regard, un geste, un sourire, un paysage, une musique, une rencontre… se laisser rejoindre tout au fond de soi, dans un lieu de paix où la lumière de Noel brille dans l’obscurité
    Rien que le mot « contempler », est pour moi une invitation à me mettre intérieurement dans cette attitude de contemplation.
    Merci Béatrice

  4. Merci Béatrice pour ce partage; je suis touchée par cette qualité de regard qui voit la belle part d’humanité chez tout un chacun; je crois profondément que la qualité de notre regard induit la vie, fait grandir l’humanité dans la relation …

  5. Merci Béatrice pour ces beaux partages.

    Les lire induit en moi un état de contemplation.

    Ce regard sur la beauté du vivant est pour moi une clé précieuse de connexion à mon être et, par lui, par ce regard qui est le sien, à tous les êtres.
    Il te dit merci de m’avoir offert cette invitation à la connexion et ml’invite à entretenir cet état de contemplation pour les fêtes de Noël.

    Et à propose de Noël, voilà un beau cadeau,
    Merci à toi et merci nos êtres,
    Bien cordialement,

  6. Je retiens surtout qu’on peut être nourri par cette profusion de petits bonheurs, à portée de regard, à portée de main…si on y est attentif. Alors merci d’affuter notre vision des choses, et de nous permettre ainsi d’être comblé, par l’accueil de tout ce qui nous est offert, quotidiennement…
    Cela demande de prendre le temps de vivre, d’arrêter de « zapper » sans cesse, et de se poser, un petit peu chaque jour…

  7. Me voilà en appétit pour 2019 :

    je vais me donner du temps pour me poser
    et pour observer tous ces petits moments de ma vie,
    au cours desquels j’ai contemplé l’ordinaire de la vie.

    Bon appétit à vous autres également !!!!

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