Un extrait d’entretien donné en 1935 sur Radio Luxembourg par Maurice Zundel (philosophe et théologien suisse) a récemment retenu toute mon attention. Bien que daté, sa modernité mérite que je m’y attarde quelque peu avec vous…
« Toutes nos activités sont à quelque degré interchangeables et la plupart pourraient être accomplies par des machines.
L’acte irremplaçable, c’est le rayonnement de l’être, le sourire de la bonté, l’élan du cœur : tout ce qui vient du dedans, en la gratuité du don. C’est par là que tout être est nécessaire, que toute vie est infinie : le pain qu’on achète et qu’on vend, peut être le symbole d’une communion, si les mains qui se touchent et les regards qui s’affrontent, laissent passer la lumière des âmes.
N’est-ce pas notre suprême détresse que tant de richesses humaines se perdent, que tant d’êtres ne soient qu’unités dans un nombre, que tant de visages portent ce masque anonyme qui les conforme à leur milieu ?…
… Il nous appartient, en tout cas, de ne pas imposer cette contrainte aux autres, en les entourant de tant d’humilité et de respect, de tant de bonté et de tant d’amour, qu’ils découvrent leur âme et qu’ils osent l’exprimer. Il n’y a pas d’œuvre plus grande que celle-là, il n’y en a pas de plus nécessaire… »
Utopie ? Je ne le crois pas. Même si nos vies comportent leur part de détresse ou de souffrance, nous sommes nombreux à avoir fait l’expérience, au moins une fois dans notre vie, d’un regard plein de cette humilité et de cet amour qui nous font exister et nous font sentir que notre vie est riche et singulière, qu’elle vaut la peine d’être vécue. A l’occasion de la dernière session que j’animais, « Vers plus de satisfaction au travail », le parcours proposé nous invitait à nous arrêter sur ces personnes qui ont eu sur nous cette « bonne » influence (au sens de pleine de bonté). Et je fus heureux de constater avec les participants de cette session que ces personnes ne faisaient pas exception…
Je vous invite à vous arrêter quelques instants sur l’une ou l’autre de ces personnes qui, durablement ou l’espace d ‘un court moment, ont porté sur vous ce regard « extraordinaire ». Arrêtez-vous sur la personne, mais allez un peu plus loin, laissez-vous ressentir ce qui a grandi ou s’est affirmé en vous grâce à cette personne… Et imaginons maintenant que nous soyons des milliers, des millions à être capables une fois de temps en temps (ne demandons pas l’impossible !) à porter ce regard-là sur l’un de nos semblables, proches ou moins proches, au cours de ce qu’on peut appeler de véritables rencontres. L’avenir de notre humanité n’en serait-il pas profondément modifié ?
En me faisant cette réflexion, je me dis que mon optimisme de fond n’est pas si irréaliste que cela… Cette révolution est à notre portée, même si elle s’opère souvent dans une grande discrétion !
Jean-Michel Anot, formateur agréé PRH
J’aime ! le côté suranné, devant ce que la radio est devenue, et l’anonymat des supermarchés, des transports en commun. Ces « communions fugaces » n’en sont que plus rares et bienfaisantes.
C’est très beau et très juste! Merci.
Je me sens émue par ces mots de Maurice Zundel: » L’acte irremplaçable ,c’est le rayonnement de l’être, le sourire de la bonté,l’élan du coeur… »
Ces mots révèlent notre « Essentiel d’humanité » et ces regards extérieurs sur nous- mêmes témoignent de notre réel là oû nous vivons…
A votre invitation,puis – je vous partager quelques -uns de « ces trésors d’humanité « , petits présents reçus ,témoins de ces regards donnés et reçus dans le présent de ce que je vivais ?
C’est cette petite carte ,reçue le jour de mon départ en retraite ,avec ces mots d’une maman et d’un papa d’élève :
« Quel bonheur et qu’elle chance d’avoir rencontré la maîtresse et la femme de coeur que vous êtes. Merci d’avoir été aussi attentive et présente pour Thymiane. »
mots qui me bouleversent encore aujourd’hui,qui dans des moments où je me questionne sur « Qui je suis . »me permettent de retoucher à l’essentiel.
C’est aussi ce petit napperon blanc qui me fut offert par cette petite dame âgée, assise sur ce banc sur la place en bas de chez moi…
« …Je l’ai crocheté pour vous car vous me souriez …et moi toute chavirée de cette lumière d’âme rencontrée .
Ces trésors d’humanité m ‘ émeuvent et, bien au delà de nos rôles dans la société ,de nos compétences, ils témoignent de notre désir de « cultiver la relation humaine » .
Françoise
Magnifique. J’ai copié cet extrait dans un ensemble « Paroles de vie », que je garde précieusement. C’est si vrai. Merci !
Ces paroles de Zundel que tu as choisies, Jean-Michel, me rejoignent au fond du cœur. En effet elles montrent qu’un regard ou un reflet gratuit vitalisant pour l’autre ont comme une « puissance douce » sur la personne qui le reçoit. Nous pouvons à juste titre parfois nous demander : « suis-je aussi vitalisant que je pourrais l’être pour les autres ? ».
J’aime beaucoup Maurice Zundel, un extrait de ces paroles citées sont dans un tout petit livre
« une année avec Maurice Zundel » Un jour, une pensée
Merci pour ces partages qui me rejoignent profondément.