Accompagner, aider, aimer…tout en étant limité

Carole vient de débuter comme psychologue et accueille une maman en grande difficulté avec son petit garçon. Rapidement elle fait plusieurs constats : gros retards du petit garçon dans ses divers apprentissages, carences éducatives de la maman qui exprime des envies suicidaires et une consommation d’alcool, violence et menaces d’un père qui réapparaît…Carole sent des peurs surgir en elle ; assez rapidement elle réalise qu’elle a du mal à aider ces personnes ; pourtant elle sent qu’elle a un devoir de protection à exercer. Elle se sent mal à l’aise, tiraillée, démunie.

Depuis plusieurs années à la retraite, José est très engagé dans plusieurs associations d’aide aux personnes précaires. Il entretient aussi un grand terrain où il cultive une grande variété de plantations ; il rend service, garde ses petits-enfants régulièrement en répondant à leurs demandes. Ces derniers mois, il se sent épuisé, alors que son bilan de santé est bon.

Le cas de Carole et celui de José illustrent le fait que, même quand on vit ses qualités, ses compétences, qu’on a beaucoup d’énergies, de générosité, d’altruisme, on est parfois confronté à des limites psychologiques ou physiques. Qu’est-ce qu’aider alors ? Quel est le chemin ? Quelle décision prendre ?

D’abord, il s’agit d’être à l’écoute de ses sensations : lassitude, fatigue, malaise…sont des signes que quelque chose se passe en nous, que nous avons à prendre en considération. Il s’agit de tout écouter, et de tout prendre en compte :

  • nos raisonnements, nos principes: « je ne peux pas les abandonner, ce ne serait pas correct ; et puis personne n’est là pour prendre ma place ! » ,
  • les messages de notre corps qui a parfois ses réserves d’énergie vides, ou qui vieillit et ne peut plus donner comme avant ;
  • nos envies et aussi nos peurs, comme pour Carole, car on ne peut aider l’autre si on est envahi de peurs ;
  • nos intuitions, celle par exemple d’avoir à réduire ses activités, son rythme…celle de prendre davantage soin de la relation à ses proches ;
  • nos qualités et nos valeurs : notre sens de la responsabilité, du service, du travail bien fait, notre désir d’aider, d’aimer, de prendre soin…
  • enfin, notre environnement : les sollicitations des autres ; pour Carole, un contexte de violences , de menaces, des personnes en danger, mais aussi des personnes-ressources.

Toutes ces différentes voix sont à entendre et à prendre en compte.

Alors, ayant tout mis à plat, nous allons pouvoir, avec un peu de recul, écouter cette « petite voix » en nous, qui va nous indiquer la route à suivre pour vivre le meilleur de nous, en tenant compte des autres et de toute notre personne. C’est cette écoute de notre conscience profonde qui sera source de créativité et finalement de satisfaction profonde, de paix, de joie, de fécondité.

Prenant du recul, Carole trouve comment vivre pleinement sa responsabilité tout en prenant soin de ses patients et d’elle-même. Finalement, elle confie le petit garçon à ses anciens collègues du Centre médico psychologique pour une prise en charge globale de ses divers retards et la maman, qui bénéficiera d’une évaluation et d’un suivi par plusieurs spécialistes. Elle choisira aussi d’analyser sa peur, pour avancer face à la limite qu’elle vit aujourd’hui dans sa pratique professionnelle.

Aider, aimer, c’est parfois passer le relais à une personne compétente qui ne vit pas la même limite que soi à ce moment-là…C’est vivre toute sa bienveillance pour les autres, comme pour soi, et accepter d’avoir des limites.

Cette semaine, José a légué une partie de son terrain à ses voisins et pourra continuer de vivre son amour de la terre, son goût d’en prendre soin et d’en partager les fruits avec ceux qu’il côtoie. Ses petits-enfants sont venus à la maison et quand ils lui ont demandé de jouer au ballon, il a osé dire qu’il était fatigué et a proposé un jeu de société qu’ils ont pu choisir : José est heureux de cet après-midi plein de rires et de complicité qui lui a redonné de l’énergie.

Aider, aimer, c’est parfois choisir d’arrêter d’être dans le « faire » pour « être simplement là, vraiment, pleinement. »

Et vous ? Etes-vous à l’écoute de ses signaux qui parlent de vos limites ?

Marie-Odile CROZAT, formatrice agréée PRH

Un commentaire sur « Accompagner, aider, aimer…tout en étant limité »

  1. Merci Marie-Odile d’aborder ce thème : les limites

    Avec la question que tu poses , je peux dire que je ne fuyais pas cette question mais mon intelligence n’était pas suffisamment formée et que la vie de l’être n’était pas assez émergée pour identifier mes limites.

    Je croyais que mes RDR étaient mes limites. Mais quand l’une d’entre elles commençait à disparaître, j’ai pu identifier quelques limites. Le travail continue …
    Il y a sûrement d’autres chemins pour les découvrir comme les exemples que tu donnes, être attentif à des signaux …

    Merci

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