Elle a accepté de témoigner parce que ‘’ça pouvait servir à d’autres’’, tout en se disant, avec la simplicité et l’authenticité qui sont les siennes, que ‘’bien d’autres étaient sans doute plus avancés dans leur cheminement’’… Mais oui, elle assume : ‘’c’est ma vie à moi, comme elle est’’.
Rencontre avec Odile, une ‘’femme ordinaire’’… au parcours peu banal.
Odile, tu as eu un long parcours avec PRH, par quoi commencerais-tu pour en parler ?
J’ai commencé PRH en 93, mais en fait mon cheminement avait commencé avant. Mon cheminement a commencé le jour où j’ai été confrontée à l’alcoolisme de mon mari. Je voulais faire quelque chose pour lui, pour l’aider, mais je ne savais pas m’y prendre. J’avais une vision du couple très fusionnelle, je le surveillais tout le temps, je voulais le protéger, mon seul objectif c’était qu’il s’en sorte, je voulais le sauver en fait, mais un peu comme une mère avec son petit garçon… ça ne collait pas du tout. Lui reconnaissait son problème mais n’avait pas les forces pour s’y confronter.
Je me suis d’abord tourné vers ‘’les Alcooliques Anonymes’’ une association qui propose des groupes de parole pour les proches et familles de malades. C’est au sein de ce groupe que j’ai pris conscience que c’était à moi de faire quelque chose pour moi, parce que c’était moi qui voulait que ça change. L’alcoolisme de mon mari a été un élément déclencheur pour avancer dans ma vie à moi.
C’est à ce moment-là que tu as commencé une relation d’aide PRH?
Oui, cette relation d’aide, en 93, mon mari m’y a accompagné une fois, mais je l’ai continué seule. Dans cette période de ma vie ça a été une bouée de sauvetage pour moi, un lieu d’accueil ou je pouvais dire mes problèmes, mes souffrances, mais aussi partager des avancées et des bonheurs.
C’était -et c’est toujours- un lieu sûr, bienveillant, où j’étais perçue au meilleur de moi, sans paternalisme, sans ‘’conseils’’, on me laissait faire mon chemin, on ne me disait pas ce que j’avais à faire. C’était bien différent de mon éducation où l’on m’avait inculqué des principes qu’il fallait se forcer à suivre.
Petit à petit, à côté de mon mari, tel qu’il était, j’ai appris à trouver ma place, à penser à moi, à faire pour moi, à vivre ma vie. Cela le laissait lui, face à la sienne, et c’était pas facile pour lui, il voyait bien que je ne cherchais plus à pallier les ‘’conneries’’ qu’il faisait…
Mais de son côté rien ne bougeait. Il reconnaissait son problème, il n’était pas dans le déni, il disait son désir d’arrêter, mais il était incapable de passer à l’acte.
Moi je voyais l’impasse dans laquelle il était et l’issue fatale qui menaçait. En décembre 94 je me suis dit qu’il allait mourir et qu’il n’y avait plus rien à faire… C’est en relation d’aide que j’ai pris conscience que tout n’était peut-être pas perdu, je pouvais me positionner, moi, et poser une échéance à mon mari.
Tu veux dire que tu étais prête à le quitter ?
Oui … mais il ne s’agissait pas du tout d’un chantage affectif, ce n’était pas ça, non, c’était : ‘’moi je veux sauver ma peau’’, ‘’et toi tu fais quoi, et surtout quand, pour sauver la tienne’’ ? Je crois que ça a été pour lui un élément important pour l’aider à passer à l’acte. C’est venu se rajouter à un environnement où chacun a fait sa part (son médecin traitant, son père, notre fils) pour que lui fasse la sienne. Mon mari a arrêté toute consommation d’alcool le 30 janvier 1995.
J’ai la sensation en t’écoutant qu’une chose a dû être déterminante, qu’à un moment tu as dû, et tu as su, ‘’accepter’’ l’alcoolisme de ton mari.
‘’Accepter’’… ha non, je ne peux pas dire ça !… Enfin, c’est vraiment difficile… c’était une telle souffrance, pour lui, pour nous, c’était trop douloureux, pour moi c’était inacceptable.
Je veux dire par accepter, ce que dit PRH, non pas se résigner, non pas ‘’baisser les bras’’, mais comme le dit André Rochais ‘’se rendre au réel’’. Accepter que ce qui est aujourd’hui soit ainsi aujourd’hui, sans démissionner face aux changements possibles.
Ce qui est vrai c’est que j’ai admis -‘’accepté’’, oui, si on veut- qu’il souffrait d’une maladie. Face à une maladie il n’est plus question de reproches, de culpabilité, une maladie ça demande du soin. Oui, la première étape a été d’admettre, reconnaître la maladie, accepter, en fait, oui, accepter que mon mari n’avait plus la maîtrise de sa vie et moi, d’une certaine mesure, la maîtrise de la mienne.
Je pense à un mini-outil de PRH1 dont voilà un extrait : « Accepter n’enlève pas l’aspect négatif du réel que l’on accepte. Accepter ne le rend pas positif non plus. Accepter change la relation à ce réel, il fait partie de soi aujourd’hui, on n’est plus à distance de ce réel » et ce n’est pas ‘’justifier’’, ‘’minimiser’’, ou ‘’dénier’’ : on ‘’colle au réel.’’
En fait pour moi, je le vois maintenant, ‘’accepter’’ était très proche de ‘’cautionner » ce que je refuse bien sûr, absolument. Je me souviens de ce que j’avais entendu aux Alcooliques Anonymes, et qui va dans le même sens : « Nous pouvons hésiter à accepter une réalité désagréable parce que nous croyons qu’en acceptant nous fermons les yeux sur quelque chose d’intolérable » !
Alors oui accepter le réel tel qu’il est, ou tel qu’il a été, c’est une évidence que je vis mais que je n’aurais pas su dire. Cette note me renvoie à mon humilité.
L’humilité, on l’entend très fort dans ton témoignage… la justesse, la sobriété, avec laquelle tu parles d’un sujet difficile et grave, sans tabou, sans fausse pudeur, mais avec authenticité et simplicité.
C’est ce qu’on me renvoie souvent… La simplicité c’est un mot qui me va bien.
PRH a été très présent dans des temps forts de ta vie comme celui-là, des étapes-clefs, mais aujourd’hui tu le vis de manière un peu différente, plus dans le quotidien, est-ce que tu peux nous en parler ?
Ah c’est vrai que PRH a beaucoup compté dans des temps forts, je pense notamment à ma reconversion professionnelle en 2000. La décision que j’avais prise je l’ai sentie comme un élan profond, et grâce à l’outil PRH je savais que c’était juste.
Mais c’est vrai aussi, qu’en dehors des temps forts de croissance, comme les sessions, en dehors des grandes prises de conscience que m’ont permis certaines relations d’aide, je sentais un peu un décalage avec ma vie courante, je ne voyais pas forcément de prolongement. Et puis en fin de session, en 2015, j’ai senti la nécessité de prendre un temps d’arrêt régulier avec l’outil de l’analyse. En 2016 je me suis donné comme objectif de le faire une fois par semaine, en 2017 je l’ai l’inscrit dans mon agenda, comme les cours de gym, mais parfois je sautais ce rendez-vous (pas comme la gym..) et ainsi, en l’expérimentant de manière épisodique, j’ai vu peu à peu que ça m’était vraiment indispensable, en 2018 j’ai pris ce rendez-vous avec moi, régulièrement un mardi sur deux pendant 1h30 à 2h, ça s’est vraiment imposé à moi, et je ne cesse d’en goûter les bénéfices.
Je souris en t’écoutant, je pense qu’il y aura pas mal de lecteurs qui vont se reconnaître, comme moi, dans ce pas à pas quelquefois hésitant et bien laborieux d’un cheminement personnel.
Oui, et c’est peut-être pour ça que je tiens tant à ces moments-là, qu’ils sont si précieux pour moi.
Je m’arrête, je sors mes cahiers PRH, et je laisse venir ce pour quoi j’ai envie de prendre un temps d’analyse, « sur quoi j’ai envie de m’arrêter ? »… des fois c’est une situation de mon quotidien, un bout de session, des fois c’est un article du blog… Je me laisse vraiment vivre ce moment-là, et ce qui est fabuleux c’est tout ce qui se passe en moi, tout le neuf que je découvre. Mon regard sur moi et sur les autres change et donc mes actes changent, et mes relations…
Tu travailles avec l’outil PRH et tu te laisses travailler par l’outil…
J’ai appris à m’arrêter, à m’intérioriser, avant j’étais tout le temps dans l’action, aujourd’hui je me pose et je peux regarder ma vie. C’est aussi des temps d’intégration, de compréhension profonde, par exemple les différentes instances dans le schéma de la personne, la différence entre l’être et la conscience profonde, c’était pas simple pour moi à comprendre… et à ressentir.
Je me suis longtemps posé beaucoup de questions, j’ai beaucoup cherché le sens de ma vie, aujourd’hui je fais confiance, j’ai appris à saisir ce que la vie me propose… Avancer, grandir intérieurement, m’améliorer, je sais que j’ai ce goût en moi du changement pour une vie plus harmonieuse. Devenir qui je suis, c’est vraiment ça aujourd’hui le sens de ma vie. Très simplement.
Propos recueillis par Paul-Etienne Perez, collaborateur PRH
1Le mini-outil FPM14, « accepter ce que je découvre de moi » propose un parcours d’analyse pour entrer dans l’acceptation profonde de réalités positives ou négatives difficiles à admettre. Il est travaillé dans plusieurs stages, ou lors d’accompagnements individuels. Un parcours de formation en ligne sera également disponible dans quelques mois pour nous aider à vivre cette acceptation de soi.
Très beau témoignage. Merci à Odile et à Paul Etienne qui a ouvert son cœur pour l’écouter et l’entendre.
Merci Odile de ce beau témoignage plein d’espérance !
Merci, Odile, pour ce témoignage d’une femme ordinaire, que, moi, je trouve extraordinaire, dans le sens que ce n’est pas donné à tout le monde d’aller aussi loin dans le cheminement personnel, et la persévérance.
Les fruits sont là, mais tout a été fait « gratuitement », parce que le chemin passait par là…
Il n’empêche que l’outil PRH est si pointu que parfois il peut faire peur.
Bravo à tous les utilisateurs qui font ce qu’ils peuvent pour devenir peu à peu de bons artisans d’eux-mêmes et de leur croissance.
Ce témoignage me met en appétit.Il fortifie ma détermination à prendre des temps réguliers d’analyse, des temps d’imprégnation et des temps d’être…pour devenir qui je suis, tout simplement. Bravo Odile et Paul-Etienne pour cet élan que vous impulsez.Vive la vie !!!
Un témoignage précieux, merci Odile
ACCEPTER voilà le maître mot qui a régenté ma vie (je vais avoir 90 ans, j’ai fais six sessions PRH) d’abord professionnelle et ça a tout changé pour moi avec le temps, le travail et l’acceptation. Accepter que les choses en soient là, et repartir dans l’espérance. Maintenant ce sont les relations familiales qu’il me faut accepter : le mutisme et l’indifférence de ma fille et le pourquoi et ne rien trouver, c’est difficile, mais depuis que j’ai du fond de moi d’accepter je me sens mieux, je redeviens plus optimiste et j’arrive à accepter que le problème ne venait pas de moi.
Je remercie Odile pour son témoignage et dont les paroles ont eu une résonance particulière et éclairante.
Merci à Odile pour son témoignage.Sans doute, existe-il plus de femmes « ordinaires » qu’on ne croit mais elles restent souvent si discrètes. Quel dommage! Je relis les mots employés par Odile quand elle parle de sa traversée de l’ombre, quand elle accompagne son mari, « malade »(car l’alcoolisme est bien une maladie!): « accepter, ne pas cautionner, ne pas se résigner… » Soignée depuis longtemps pour dépression, je suis stabilisée mais mon conjoint souffre lui-même de dépression latente mais ne la reconnaît pas. Heureusement, je suis accompagnée à P R H ; moi aussi, je peux dire, comme Odile, que » je veux sauver ma peau » et devenir qui je suis. Merci à tous les accompagnateurs P R H qui nous permettent de désensabler nos vies et de trouver la source de Vie en nous!
Merci pour cet article où je sens la profondeur et la finesse dans le dialogue entre vous deux !
Vouloir aider quelqu’un qu’on aime entraîne à se faire aider ET se faire aider fait grandir la personne elle-même de façon inattendue. Un beau chemin d’humilité et de vérité avec soi-même.
» Nous avons admis » et « j’accepte » sont deux chemins de croissance et de guérison, différents mais pas antagonistes. Merci Odile de préciser cela !