M’ouvrir à l’imprévu

Ce texte est issu d’une analyse écrite par une participante dans une rencontre d’un groupe d’accompagnement : Choisir de me laisser transformer. Le TPA proposait de regarder notre attitude face à l’imprévu. L’analyse de Marie-Elisabeth a eu un fort écho dans le groupe et nous avons eu l’intuition qu’elle pourrait toucher les lecteurs de ce blog. Si c’est le cas, n’hésitez pas à nous partager vos réactions dans les commentaires de ce blog.

L’imprévu m’arrête un instant, il me bouscule, m’oblige à entrer dans un chemin d’ouverture à la situation, à l’autre, à la réalité telle qu’elle est.

Ce chemin est celui qui m’amène à l’acceptation et à l’humilité. J’accepte la situation telle qu’elle est, telle que je n’ai pas pu l’imaginer. Mon moi-je se rend à l’évidence. Mon goût de la vérité est activé, moteur. Que je le veuille ou non, c’est ainsi. Je ne me voile pas la face, je cherche à agir de la manière la plus adéquate possible. Je ne reste pas inactive, au contraire. J’agis en fonction de lui : je fonce, je suis remplie de gratitude ou au contraire je combats. Je vis et j’existe face, dans et avec lui. Je ne le laisse pas me déborder, m’écraser. Je suis agissante, intelligente.

Dans ma vie quotidienne, je le cultive même. Je le cherche parce qu’il est souvent source de bonheur et de joie. J’aime les lieux que je traverse, mais je change la routine souvent, pour profiter aussi de l’autre chemin, de l’autre route qui va me mener à mon point de destination. Sur ce chemin nouveau, l’imprévu m’attend peut-être et il va faire de ma journée un moment unique et différent. J’élargis mon champ des possibles. Je goûte : le passage de cet animal, ce regard croisé, ce sourire, ce nuage, cet éclairage différent. Je vais de fleur en fleur comme une abeille qui butine. Je tire parti de l’imprévu. J’en tire une leçon.

L’imprévu qui a dominé dans ma vie, m’a demandé d’aller chercher mes ressources au tréfonds de moi. Ce sont celles qui donnent de choisir l’essentiel, le plus important : l’amour, la tendresse, la paix, la réconciliation, la gaité. C’est l’imprévu qui m’a donné mes moments les plus intenses et les plus beaux. C’est l’imprévu qui m’a fait traverser des torrents de boue, me perdre et aussi la joie immense de me retrouver.  Il m’a fait affronter la souffrance et goûter la paix de la guérison ou de la consolation. En faisant face à l’imprévu, j’ai vécu et j’ai été vraiment moi. J’ai été terrassée mais ai cherché au fond de moi la force de me relever et de continuer ma route plus gaie qu’avant, plus heureuse et plus aimante.

Marie-Elisabeth Inghelbrecht, ancienne habilitée à la relation d’aide PRH

6 commentaires sur « M’ouvrir à l’imprévu »

  1. Merci pour cette belle analyse. Personnellement mon expérience de l’imprévu est plutôt dans ce que je n’attends pas et qui vient dévier le parcours de mes idées parfois toutes faites. Cela me donne beaucoup de joie et peut provoquer en moi un élan de gratitude.

  2. Merci pour le partage de cette belle et profonde analyse, qui me touche énormément.

    Dans ma tête, oui, je le sais, je le dis : « La vie est pleine d’imprévus… et heureusement ! »

    Dans ma tête, depuis ma tête, oui, je le dis… mais par ailleurs…

    Je lis dans l’analyse les deux faces de l’imprévu.

    Qu’il y ait des imprévus est source de petites et grandes joies, dans ma vie quotidienne ou pour des instants-rencontres qui changent le cours de mon existence.

    Qu’il y ait des imprévus me chavire, me bouleverse, me fait perdre pied, me fait souffrir, me réduit à néant.

    Alors, « accepter l’imprévu dans ma vie » devient de belles paroles. Mon corps se raidit face à l’adversité. Je ne suis plus que crainte de la prochaine « tuile », je me sens rejetée par la Vie, j’ai l’impression qu’elle ne m’aime pas. Dans la souffrance, une part de moi hurle : « Cela ne devrait pas être ainsi. » [Et une petite voix en rajoute : « Et tu ne devrais pas perdre de l’énergie à penser ainsi plutôt qu’accepter. » (!) 😉 ] Alors, je me ferme à tout imprévu.

    Et puis, avec Marie-Elisabeth, je me repositionne dans l’être et grâce à son analyse, je conscientise combien, oui, dans ses deux faces, l’imprévu touche au plus profond de ce que je suis, l’imprévu me ramène à l’être.

    Mon être à moi, dans ce qui me touche et me fait vibrer, dans ce qui de moi veut rayonner, fleurir.

    Mon être à moi, dans mes forces les plus profondes, dans ce qui fait sens pour moi et « tient » envers et contre tout.

    L’imprévu a failli me réduire à néant mais non, il ne l’a pas fait. Le néant n’est plus à craindre.

    Dans cette confiance-là, de la continuation de la vie de l’être à travers TOUS les imprévus, il y a quelque chose qui se desserre, qui arrête de lutter, qui peut à nouveau accepter, accueillir la vie telle qu’elle est, dans sa mouvance.

    Dans cette confiance-là, l’imprévu n’est plus un ennemi qui cherche à me détruire, un facteur à maîtriser, une source d’angoisse… c’est juste le « trickser », le diablotin qui vient shooter dans ce qui pourrait être trop installé, figé, dans ma vie, pour laisser passer davantage la sève de mon être, l’eau de la Vie.

    De m’être laissée toucher par cette analyse, je me sens plus ouverte à la vie elle-même.

    Marie-Elisabeth, l’équipe du blog, avec une pensée pour André Rochais et cet incroyable outil PRH qu’il a créé, gratitude aujourd’hui.

    Marie

  3. L’im-pré-vu… tant de choses, de situations, de rencontres, … que je ne vois pas d’avance et qui, tout à coup se présentent.

    L’imprévu me met en éveil, me dresse, non comme un coq sur ses ergots, mais comme un veilleur qui cherche le chemin. Quand il semble être plutôt un obstacle, je cherche ce qu’il veut me dire et comment l’aborder autrement que ce que j’avais prévu. Cela m’oblige à un pas de côté pour regarder avec un regard neuf. Je mets mon moi-je à contribution, mon ingéniosité s’active! ma ténacité aussi pour ne pas me laisser dominer, pour ne pas me figer dans le pré-vu, dans la sécurité du connu à l’avance. Dans cette manière ouverte d’être, je découvre parfois du neuf, je m’enrichis de richesses jusque là insoupçonnées.

    Quand il est de l’ordre de la surprise heureuse, je jubile! C’est alors comme un feu d’artifice qui, lui aussi m’ouvre à la richesse et à la profusion de la Vie. Même si cet imprévu me dérange. Il me sort de mon habitude et c’est bon. C’est comme un ‘dépoussiérage’, un regain d’énergie qui me vient. J’en suis alors profondément reconnaissante. Je suis vivante!

  4. Merci pour ce beau texte « M’ouvrir à l’imprévu ». Il m’a invité à écrire une analyse en regardant ce matin un grand palmier de mon balcon.

    Analyse en regardant un grand palmier

    Le grand palmier que je vois dehors accueille ce matin l’imprévu du temps pluvieux avec stoïcisme. Ses feuilles bougent et frétillent au moindre mouvement du vent. Ses palmes érigées fièrement dans toutes les directions forment une couronne qui ondulent aux prises du vent mouillé. Le palmier haut de vingt mètres s’en fiche qu’il fasse mauvais. Il reste égal à lui-même. Son tronc qui bouge légèrement est parfaitement adapté à n’importe quelle météo. Il endure tout : les rafales inattendues qui traversent ses palmes glissent sur lui et le laissent imperturbable. Qu’il pleuve à verse, qu’il tonne, que le ciel soit gris ou noir, que l’orage s’abatte furieusement sur lui, il ne bronche pas, il encaisse, il laisse faire, il s’adapte, il suit le mouvement. Il n’est guère impressionable. Sa force, c’est d’être planté solidement, d’avoir un tronc puissant, enraciné dans la terre, d’avoir des racines longues et larges, qui lui donnent stabilité et équilibre. La contemplation de ce palmier m’émeut. Je suis attiré par sa sagesse, par son adaptation, par son stoïcisme. Il m’invite à compter moi aussi sur mes racines intérieures, pour rester stable, sûr et confiant aux moindres rafales de la vie, aux imprévus qui peuvent m’envahir, me faire douter, me faire chanceler, me faire sortir de mon équilibre. J’ai envie d’apprendre encore et encore cette affirmation de moi-même, exister sans me dérober, me montrer à cause du simple fait d’être là, de vivre et d’exister. Ma couronne est déjà formée et à été exposée aux aléas de la vie, de ses tempêtes, se ses imprévus. J’ai tenu bon, j’ai encaissé, mais rien n’a pu me plier ou me briser. Je peux dresser fièrement moi aussi mon feuillage intérieur et extérieur à la vie qui passe. Je peux goûter ses gouttes salées, son eau douce et rinçante, sa grêle martelante, ses éclairs éblouissants et intimidants, sa neige glaçante et mordante, son sable fin fouetté par le vent aveuglant et irritant, pénétrant dans les parties les plus vulnérables de mon corps et de ma sensibilité. Qu’importe, la sève qui coule dans mon tronc est suffisamment forte. Mon tronc est devenu une cuirasse, non pas impénétrable, mais pleine de vie et protectrice. Mon palmier a fière allure, car il a bravé les incertitudes, le provisoire, les doutes, les questions douloureuses sur l’existence. Mes feuilles ne sont pas tendres vertes qui s’étiolent avec les températures sous zéro. Non, ma cellulose intérieure est faite d’endurance, de patience, de résistance, de foi, d’espoir, de certitude que la vie est toujours plus forte. Je suis heureux d’être fait de la même substance que ce palmier. Je suis heureux d’avoir grandi, que mon tronc se soit si élevé dans le ciel, je suis heureux d’avoir la vue dégagée, de regarder de mon panorama le monde autour de moi, moi dont le travail était d’être journaliste et d’observer les incertitudes et le devenir du monde. Ce palmier est devenu mon ami, car il me montre qui je suis. Il m’invite à la joie, à l’optimisme et à rester dans l’équanimité en toutes circonstances, où que j’aille, quoique je fasse.

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