L’individualisme est souvent considéré, à juste titre, comme une des plaies de notre société. Et le reproche est parfois fait au travail sur soi d’encourager cet état d’esprit. C’est une critique qui doit être écoutée. Est-elle justifiée ?
Tout d’abord, il faut observer que beaucoup d’occupations de la vie courante pourraient essuyer le même reproche : faire un sport, pratiquer un hobby, regarder la télé, voyager au bout du monde… Ce sont des activités qui, telles qu’elles sont pratiquées parfois, apportent surtout des satisfactions individuelles.
Certains loisirs personnels peuvent même être considérés comme nobles et très valorisés : ainsi en est-il souvent des activités culturelles, de la lecture, ou de l’apprentissage d’une nouvelle langue pour le simple plaisir de se cultiver… Pourquoi le regard est-il souvent moins positif pour une formation comme PRH ? C’est probablement tout simplement parce qu’il s’agit d’une activité encore assez peu connue, et donc peu reconnue et valorisée.
Autre écueil pouvant également expliquer un regard suspicieux sur une formation personnelle : des courants théologiques ou philosophiques marquants dans la pensée occidentale européenne ont véhiculé une image très pessimiste sur l’être humain ou prôné l’oubli de soi-même comme idéal de vie. Aussi, chercher à être heureux et à développer ses compétences a pu être considéré comme suspect ou égoïste : si l’on considère que le fond de l’homme est dominé par des pulsions égocentriques, devenir soi risque de ne pas produire de bons effets relationnels !
Autre phénomène qui peut donner une image négative au travail sur soi : c’est souvent quand on ne va pas bien qu’on engage ce type de recherche. Aussi est-il tentant, vu de l’extérieur, d’associer travail sur soi et personnalité « à problème », donc tournée vers elle-même.
Il est vrai que le travail sur soi est égocentrique, au sens étymologique du terme : on se centre sur soi. Quand des personnes ont vécu à l’extérieur d’elles-mêmes, ou en grande dépendance aux autres, la formation personnelle peut produire des changements susceptibles d’être mal compris par l’entourage. Ainsi, une personne excessivement tournée vers les autres apprend à tenir compte aussi d’elle-même, au risque d’étonner et de frustrer ses proches. Mais il s’agit d’un rééquilibrage nécessaire. De même, une prise de distance vis-à-vis de personnalités trop dominatrices ou manipulatrices peut parfois être salutaire, même s’il est désagréable pour ces personnes. Est-ce pour autant de l’individualisme ? Des phases de cheminement peuvent également provoquer des moments de forte centration sur soi, ou des prises de distance, temporaires mais nécessaires.
Pourtant, une démarche de croissance telle que PRH la propose conduit à découvrir au cœur de soi son être, c’est-à-dire le tréfonds de sa personnalité, qui est une instance relationnelle, sociable et fondamentalement positive. On découvre en soi des capacités altruistes et un dynamisme qui poussent à s’ouvrir. André Rochais l’affirmait ainsi : « Nous dormons sur des trésors, sur des puits d’énergie, sur un volcan de créativité, sur des réserves inimaginables d’amour. » Quand on découvre en soi de telles potentialités, on n’a plus envie de se recroqueviller sur soi ! La finalité d’un travail sur soi avec PRH, c’est de développer les ressources de sa personnalité pour améliorer ses relations (d’où le nom de l’organisme, Personnalité et Relations Humaines). Quel bonheur de découvrir au fond de soi de l’empathie et de la générosité, vécues comme un élan naturel !
J’ajoute que le travail sur ses blessures affectives aboutit au même mouvement d’ouverture relationnelle. En effet, ce sont nos mécanismes de défense pour éviter la souffrance qui nous ferment à l’autre. La motivation initiale d’un travail sur soi peut certes être très individuelle, comme aller mieux, ne plus souffrir… C’est en soi légitime, car quel sens y a-t-il à demeurer dans des difficultés s’il est possible de s’en sortir ?
Mais on observe que, lorsque les personnes prennent au sérieux leur cheminement à partir de leur être, cette motivation évolue. On ne continue pas le travail sur soi seulement pour aller mieux, mais aussi pour libérer ses capacités profondes, qui vont contribuer à son bonheur, et à celui de son entourage.
Pour ma part, je suis d’un naturel optimiste et heureux. J’avais développé un très bon système de défense, qui me faisait toujours voir la vie du bon côté, oubliant facilement mes souffrances ou ce qui n’allait pas dans ma vie. Je ne peux pas dire que j’ai entamé un travail sur moi pour aller mieux, puisque mes lunettes exagérément roses me faisaient toujours voir ma vie en positif ! Au contraire, ma formation m’a parfois obligé à me « coltiner » avec des difficultés et des souffrances que j’évitais soigneusement de regarder. Ce qui m’a motivé, c’est l’écart entre mes intentions, qui étaient généreuses et altruistes, et la réalité de mon comportement, souvent fait de timidité et de repli sur moi. J’aspirais à aimer, et j’en étais souvent incapable. J’aspirais à accueillir l’autre, et j’étais plein de jugements et d’agacements… Ma motivation profonde à travailler sur moi a été, et demeure toujours celle-ci : c’est de libérer le plus loin possible ma capacité d’aimer dans le concret de ma vie.
En résumé, un travail sur soi de type PRH est bien une activité essentiellement individuelle, même si elle se vit en relation. Car on a seul le pouvoir de se changer, personne ne peut le faire à notre place. Un tel travail sur soi, bien mené, n’engendre pas durablement des comportements individualistes. Au contraire, il produit chez les personnes davantage d’altruisme et de générosité. On peut même espérer que ce type de démarche produira à terme une société plus humaine et plus conviviale.
Régis Halgand, formateur agréé PRH
Cet article me touche profondément!
C’est exactement cela que je constate depuis que j’ai entamé ma formation avec PRH. Travail sur moi et paradoxalement ouverture vers le monde.
Aujourd’hui avec ma couleur PRH (j’entre en FRA), ancrée bien en moi, faisant partie du centre de mon être, je m’engage à travailler pour une radio web humaniste qui a pour but l’éveil de la conscience/connaissance de soi et du monde! Gratitude!
Merci pour cette analyse riche et précise; je suis rejointe et encouragée à poursuivre ma route vers moi-même ….Pour mieux rencontrer les autres …
Merci Régis de nous aider à regarder avec précision ces confusions-résistances qui peuvent….efficacement, hélas, nous détourner du « travail sur nous »!
En effet il y a encore certaines « théologies » qui disent « le moi-centre est notre ennemie mortel »! ou bien encore « Dieu seul guérit »!
Lytta Basset dans son beau livre « Oser la bienveillance » nous faire voir les séquelles encore très présentes d’une théologie du péché originel!
Persiste encore, également, de manière insidieuse mais fréquente, l’image négative du travail sur soi donné, parfois à juste titre, par la psychanalyse!
Il y a aussi les »lâcher l’égo », tuer l’égo », qui circulent abondamment sans jamais définir ce qu’est « l’égo », message déformé du boudhisme!
Comme le disait Lama Tendroup « avant que de vouloir se débarrasser de l’égo, faut-il au préalable en avoir un »!
Apprendre à rejoindre ce qui nous fonde, nos profondeurs, notre être dans son unicité, le faire grandir pour nous permettre de lâcher notre système de défense, système de protection, qui, avec toute sa merveilleuse intelligence nous a permis de sur-vivre, mais qui aujourd’hui, nous empêche de Vivre et de nous déployer!
Voilà l’égo qu’il s’agit de « lâcher » et qui n’est pas notre « centre » comme tu le précises si bien!
Mais quel travail que de dénouer nos culpabilités récurrentes et si souvent inconscientes, nos « faire passer l’autre avant nous mêmes », nos images négatives, nos dévalorisations de nous et donc de l’autre, freins subtils à l’ouverture de notre coeur et à son jaillissement unique!
« Travail » profondément réjouissant au pas à pas quotidien!
Nicole Langlois-Meurinne
Bonsoir Regis,
Merci pour ce texte qui explique bien ce qu’est le travail sur soi dans la pédagogie de PRH. Je partage entièrement votre vision en tant qu’expérimentée de ce travail et de cette formation. En lisant le titre une réponse tout de suite me vient sans lire le texte et qui est un « non » . La formation PRH m’a appris que tous les mots se terminant avec un « isme » sont négatifs tel que volontarisme, … Leur contenu contient un « trop » et tout ce qui est « trop » est négatif. Effectivement le travail sur soi est une activité individuelle, personnelle; personne ne peut faire ce travail à notre place, personne ne peut lire notre ressenti profond ou nos sensations et ce qui est derrière nos sensations avec précision. Ce travail individuelle, personnelle n’a rien à voir avec l’individualisme. Au contraire grâce à ce travail intérieur, à ce regard tourné vers soi nous arrivons à nous ouvrir non seulement à soi et aux autres, à devenir sociable, humain, solidaire, à acquérir la fraternité au sens plus large… Le travail sur soi nous aide à devenir une personne unie et élargie, intégrant les autres et tout ce qui nous entoure. Nous devenons UNS avec S. Le travail sur soi favorise l’équilibre et l’intégration de la personne avec elle même, avec les autres et avec ses différents environnements; géographique et spatial.
merci de ce beau témoignage
Merci pour ce texte et pour toutes ces réponses. Je vous rejoins totalement. Merci à PRH
L’expression me surprend toujours. L’image m’est venue il y a quelques années : ce serait comme si je me sculptais moi-même et faisais des copeaux. Je préfère donc penser non pas sur mais » travail avec moi « . Dans le même ordre d’idée dans mon association de parents ayant perdu un enfant ( ou des enfants ) nous avons une réticence vis–à-vis de l’expression banalisée de » travail de deuil » .
Merci Régis, j’aime bien cette belle définition de PRH : « développer les ressources de sa personnalité pour améliorer ses relations », et merci pour ce témoignage du travail PRH qui ouvre les personnes à « l’altruisme et la générosité ».
En effet je vous rejoins dans « travail avec soi »: il s’agit bien du « avec », de la rencontre avec soi même, cette part de soi capable de se dire, s’écouter, s’accueillir, mettre des mots là où il n’y en a pas encore….avec bienveillance, ouverture et même curiosité…
« Travail de deuil » et « faire son deuil » sont deux expressions qui me dérangent également, que dire? Vivre son deuil, traverser, accueillir?
Nicole Langlois-Meurinne.
Oui c’est difficile, il y a une énergie liée au deuil qui oeuvre en soi.
Les mots ne sont que des mots; comme l’a dit un poète :
» je veux bien partager ton mystère mais je ne peux ( veux ) pas connaître ton secret. » Merci Nicole.