Croissance et transcendance

Les familiers de l’école PRH le savent : l’ouverture à la transcendance est, selon notre anthropologie, une dimension importante de la personne humaine.

Qu’entend-on au juste par expérience de transcendance ? Pourquoi accorder de l’importance aux expériences de transcendance ? Qu’apportent-elles à la vie ? N’est-ce pas irrationnel ? Et ont-elles un rapport avec une religion, une croyance ?

Ce qu’affirme PRH à propos de la transcendance, c’est qu’il existe au cœur de soi une ouverture à une dimension plus grande que soi-même : au tréfonds de la personne, on peut faire l’expérience d’un « plus grand que soi en soi ». Il s’agit bien sûr d’une expérience intime, personnelle et non démontrable. Il s’agit d’un ressenti profond, qui est perçu par la personne qui vit cette expérience comme essentiel, fondamental, précieux. Ce sont le plus souvent des sensations qui surgissent à l’improviste, et qui peuvent beaucoup surprendre ceux qui les ressentent. Dans ces moments d’ouverture à cette dimension, on a l’impression d’accéder à quelque chose du mystère de la vie, ou du mystère de sa propre existence.

Donnons quelques fillette joieexemples, nécessairement très parcellaires, car l’expérience de chacun est unique. Très tôt dans leur enfance, certaines personnes témoignent qu’elles ont fait l’expérience intime d’une grande joie qui surgit sans s’expliquer, ou d’une sensation d’une présence au cœur d’elles-mêmes, ou encore la sensation d’un amour immense qui les a envahis. D’autres perçoivent à un moment de leur vie que chaque être humain a une valeur unique, que toute vie est infiniment précieuse, et cette sensation éveille en eux un grand sentiment de fraternité ou un sens de la justice très puissant, qui peuvent par la suite motiver des engagements en ce sens. Pour certains, c’est une œuvre artistique (une toile, une musique…) amourqui les conduira dans une contemplation profonde, la sensation de toucher à de l’universel, une communion profonde, du sacré, etc. Notons que, spontanément, les personnes auront tendance à mettre une majuscule à ces réalités dont ils perçoivent l’infini en eux : Amour, Justice, Fraternité, Beauté, Joie, etc. Le psychanalyste Viktor Frankl raconte dans son ouvrage célèbre « découvrir un sens à sa vie » (J’ai Lu) son expérience des camps de concentration : au cœur de la barbarie et de l’inhumanité, certains de ses compagnons d’infortune ont tenu bon, contre toute attente, parce qu’ils gardaient chevillés en eux le sentiment d’un sens à la vie. Stéphane Hessel (combattant inlassable des droits de l’homme dont le petit ouvrage « indignez-vous ! » a connu un succès étonnant vers la fin de sa vie) confiait qu’il se ressourçait en lisant des poèmes. Lui qui ne croyait pas en Dieu, s’ouvrait ainsi à une dimension de transcendance qui lui redonnait du sens et de l’élan pour ses combats pour l’homme, disait-il.

Car c’est une caractéristique commune à toutes ces expériences : elles donnent du sens, du souffle, de l’énergie… Elles transforment en profondeur. Elles agissent souvent comme un révélateur d’aspects essentiels de soi. Quand on s’ouvre à une sensation de cette nature, on s’en souvient comme d’une expérience marquante, et on peut revenir au cœur de soi aux sensations éveillées alors, qui nous semblent d’un contenu sans fin, inépuisable… Ce qui caractérise aussi ces expériences, c’est le sentiment de s’ouvrir à une dimension qui est bien en soi, mais plus grande que soi : comme si était inscrit au cœur de notre être quelque chose qui dépasse les propres frontières de notre personnalité.

Pourquoi PRH invite-t-il à s’intéresser à ce type de sensations ? Tout d’abord, parce que beaucoup de personnes vivent ce type d’expériences, même si assez peu leur accordent l’importance qu’elles méritent ; or, tout ce qui touche au vécu des personnes nous intéresse. Mais surtout, parce que l’ouverture à cette dimension de transcendance en soi contribue puissamment à la croissance. C’est comme un moteur nouveau qui s’allume dans l’existence : la vie prend plus de saveur, plus de valeur. Loin de provoquer un repliement sur soi, ces expériences poussent à l’ouverture aux autres, à la solidarité, à l’action. Elles s’accompagnent de plus de dynamisme profond, d’énergie pour vivre sa vie. La vie prend plus de sens et de signification. Les personnes gagnent également souvent en confiance en elles et en leurs capacités. Comme la raison d’être de PRH est de favoriser la croissance des personnes, ces expériences y contribuent.

Que répondre à ceux qui jugeront cela comme étant une illusion, une fabrication, et que ce n’est pas rationnel ? Je crois qu’on ne peut pas argumenter, parce que ce n’est effectivement pas de l’ordre de l’explicable ou du démontrable. Il y a beaucoup de choses dans l’existence qui relèvent de l’ordre de l’expérience et du ressenti : l’amour, la sérénité, la colère, la peur… sont rarement des sentiments rationnels ! Nous sommes dotés d’un corps, d’une sensibilité, d’un être, d’une conscience profonde, et pas uniquement d’une fonction cérébrale. La prise en compte de toutes nos instances importe dans notre existence. Il ne s’agit pas d’abandonner toute rationalité, elle a son importance et sa valeur, notamment quand on vérifie pour soi et pour les autres l’importance dynamique et positive de ces expériences de transcendance.

Pour terminer, répondons à la question du rapport entre ces expériences de transcendance et la foi en Dieu ou la religion.DSC_0087 Tout d’abord, on observera que certaines personnes, comme Stéphane Hessel, font des expériences d’ouverture à une transcendance sans croire en Dieu. A l’inverse, on peut avoir une foi cérébrale ou sociologique, et adhérer à une religion, sans la relier à une expérience intime au cœur de soi de type transcendance. Et il existe des personnes qui ressentent au cœur d’elles-mêmes une présence vivante, qu’elles nommeront Dieu, ou par un autre nom, et qu’elles rattacheront à une religion, ou pas. Certains sont vitalisés dans leurs expériences de transcendance par la religion, et d’autres pas. Ce qui nous paraît important est d’être en vérité avec soi-même, de ne pas se raconter d’histoires, mais d’essayer de décrire avec le plus d’honnêteté possible son expérience personnelle. C’est cette vérité avec soi-même et la clarté sur son vécu qui permettent de grandir. Or, l’ouverture humble et fidèle à cette dimension de transcendance au cœur de soi est un facteur puissant de croissance.

Régis Halgand, formateur agréé PRH

Si vous souhaitez mieux connaître cette dimension de transcendance en vous, PRH vous propose le stage m’ouvrir à des réalités plus grandes que moi, pour mieux percevoir cette dimension au moyen de l’expression créative, et le stage explorer mon expérience de transcendance.

19 commentaires sur « Croissance et transcendance »

  1. Merci,Régis,de votre article très éclairant sur la transcendance…
    Il m’a permis ,ce matin, de revivre une expérience de transcendance en 1975! lors des choralies A Coeur Joie…
    Je me permets de vous la partager tant elle est encore vivante en moi et tant elle fut éclairante pour me connaître « ETRE  » très sensible à toute beauté de la création et dans l’AMOUR pour son CREATEUR…

    Le soir tombe…
    Assise sur les gradins du théâtre antique de Vaison La Romaine,je me sens déjà transportée par la beauté du lieu, comme seul toit le ciel,Oriol Martorell,le chef de choeur semble si petit dans la majesté de cet hémicycle…C’est alors,comme un miracle,monte un murmure ,parfait de beauté et de pureté tant l’acoustique exceptionnelle ,supprimant l’écho, bouleverse mon être …murmure de ce chant espagnol « Ay Linda Amiga  » où les 4 voix se mêlent,montent en puissance,et c’est une seule voix qui s’élève,…Je suis cette voix…Je suis SAISIE de puissance ,de trop de beauté,SAISIE par cette appartenance à un tout,cette COMMUNION des coeurs dans ce CHOEUR unifié…l’émotion en moi est forte, pure et je vis une sensation D ‘ AMOUR d’un bonheur inexplicable….

    Françoise

    1. Je comprends cette sensation de Communion, d’Amour, de Bonheur vécue à ce moment-là. Merci de nous la partager. Cela me rappelle des moments où j’ai ressenti des choses assez proches, et c’est bon de retrouver ces sensations-là. Merci à vous !

  2. Régis, merci pour ce magnifique texte qui me bouleverse profondément ; en vous lisant c’est la beauté de ce qui est écrit qui m’émeut le plus .
    Merci pour la compréhension du mot transcendance , j’en avais une idée différente, erronée
    Soif de de lire ce genre de témoignages;Continuer
    Merci encore à Vous

    1. Merci pour votre encouragement. Si vous trouvez ce texte beau, et s’il vous émeut, c’est qu’il éveille en vous quelque chose qui peut être précieux pour vous… Continuez d’écouter cela en vous !
      Bien cordialement

  3. Merci Regis pour votre riche article et merci Françoise pour votre enrichissant partage. Vos lectures m’ont encouragé à partager mon expérience d’un instant de sensation d’être transportée que j’ai nommé : « Instant d’extase ».
    Instant d’Extase

    C’est une joie sublime, dense,
    Dieu merci pour ce don !
    L’accès au vrai Amour et
    A la vraie valeur de soi
    N’est possible qu’à travers
    Le vrai amour de Dieu,
    Ce profond désir de tendre vers Lui.
    Dieu
    Tu es Tout pour moi,
    Tu es l’Amour Infini,
    Tu es mon Compagnon éternel,
    Tu es mon Guide de toujours,
    Tu es ma source nourricière.

    Me retirer un instant de ce monde et
    Me laisser vivre Tes Lieux d’extase
    Me remplissent le cœur
    Comblent mon vide
    M’éloignent de la solitude
    Et me donnent un bonheur infini
    Ça me laisse en ivresse,
    Ça me donne plus de
    Soif et d’Avidité de Toi.

    Se donner volontairement et
    Librement des instants à soi
    C’est rendre sa vie intérieure
    Plus intense, dense et riche
    En se laissant entraîner,
    Guider par une transcendance et
    Aller plus loin afin de pouvoir
    Sonder son for intérieur où
    Naissent les exploits inédits
    Les découvertes, les révélations
    C’est la Vie sans fin
    Pleine de merveilles et d’exaltation

  4. Merci Régis, Françoise, Michèle et el-hadja.
    J’ai vécu, il y a plus de 40 ans, une expérience spirituelle de « rencontre » avec Dieu, que je ne nommais pas transcendance. Ce fut une expérience de conversion très forte qui me fait vivre encore aujourd’hui : expérience de convertie qui m’a conduite sur ma route. J’ai vécu bien d’autres expériences de transcendance, moins fortes mais très vivifiantes.
    Merci pour tous ces mots qui nous ouvrent à plus grand que nous mais qui restent très en-dessous de l’expérience vécue.
    Ces expérience donnent souffle à notre vie.
    Brigitte

  5. En te lisant, Régis, je sens à quel point je suis touchée et reconnaissante d’avoir eu des aidantes qui ont sur m’aider à décrypter mon lien a la transcendance sous tant de formes aussi variées, colorées, in-attendues, sans jamais que ne soit nommé le nom de « Dieu », peurs chez moi alors,que se confondent « mon besoin d’un dieu et l’expérience du Mystère)(de celui qui rend « muet », même étymologie)
    Accompagnée ainsi à découvrir, goûter, nommer « ces heure étoilées » ces moments de grâce, parfois d’éternité, d’une nage avec les otaries, jusqu’au sourire d’une enfant dans un train, j’ai fait émerger mon fil rouge, comme une unité entre toutes ces « expériences », dégagé ce qui peu à peu continu de se révéler, de se dévoiler,comme un Sens, à la fois direction, signification et ressenti, une orientation profonde dans ma vie qui m’aide à m’incarner et à grandir.
    Me reconnecter à mon fil rouge, quand il m’arrive parfois de le lâcher, me re-donne cette expérience de la  » reliance en moi », joie d’être re-liée au delà des apparences, des mots, des obstacles.
    Mes aidantes ont fait de moi une aidante a mon tour, attentive à nourrir en l’autre ce précieux qui se dévoile mystérieusement…ce précieux si unique qui dit le cœur d’origine, leur cœur de création de chacun pour qu’il puisse peu à peu advenir, s’ouvrir, se déployer ainsi donner tous ses fruits.
    Comme le disait A Rochais « le chemin de l’être est bien le chemin de « Dieu » » quelque soit le nom qu’on lui donne…jusqu’à celui de l’Ineffable….
    Nicole Langlois-Meurinne.

    1. Mon expérience est aussi qu’il est très important de pouvoir se dire en étant accueilli avec infiniment de respect dans ces expériences si intimes. Il y a là de l’unique et du sacré, cela demande beaucoup de respect… Merci de nous le partager.

  6. Merci Régis pour ce texte qui, je le sens, peut réconcilier certains avec la transcendance. c’est vraiment juste et complet. Bravo !

    1. Merci Marie-Pierre. Tant mieux si ce texte peut réconcilier des personnes avec cette dimension de transcendance en eux. Je ne vais pas répéter ce que j’ai écrit dans l’article, mais c’est vrai que c’est source de croissance que d’accueillir cette dimension en soi ! Alors tant mieux s’il permet à des personnes de s’y ouvrir davantage !

  7. Je lis ton texte Régis, au moment où je viens de finir d’animer la session « Explorer mon expérience de transcendance » en Algérie à 14 femmes. Moment intense. Chacun a pu analyser ses expériences, en collant de plus en plus à ses sensations, c’est à dire en se situant autrement que dans ce qu’il a appris sur Dieu, sur la vie, autrement que ce que lui a appris sa religion, et en ne la reniant pas pour autant. Moment de communion intense, je peux vraiment le dire ainsi, entre des croyants de différentes religions. Et cette phrase dite un matin : « nous touchons au socle universel de toute vie ! ». Et c’était exactement cela qui se passait.
    Je reste profondément marquée par cette expérience. De ce lieu là, les personnes parlaient à table du non sens des guerres .
    Voici notre petite expérience, petite mais si fondamentale. J’ai une profonde reconnaissance pour PRH qui permet de vivre de telles expériences. Nous ne sommes pas prêtes de l’oublier !
    Agnès Rebelle, formatrice PRH

    1. Ton commentaire, Agnès, me remplit de joie. Tu as été témoin qu’entre personnes de religions différentes « nous touchons au socle universel de toute vie ». Oui, je suis pleine de joie d’avoir l’assurance que nous sommes tous pétris d’une pâte commune, tous reliés à ce que nous ne pouvons que nommer maladroitement « Dieu » Ou ce que nous choisissons de ne pas nommer, soit parce que nous nous sentons dépassés par ce qui nous appelle de l’intérieur à grandir et à nous déployer ; soit parce que nous refusons honnêtement l’image que nous en avons.
      Je pense avec tendresse à ces 14 femmes d’Algérie. Au fait, la femme ne serait-elle pas « l’avenir de l’homme » aujourd’hui, comme le chantait Jean Ferrat ?!!
      Merci, Agnès, d’être notre lien avec les pays du Maghreb.
      Anne

  8. Régis, j’avais gardé « sous le coude » ton article « Croissance et Transcendance », très (ou trop) occupée par les affaires à régler, et attendant d’avoir le temps de me pencher plus attentivement dessus. Je peux dire ce matin, à sa relecture, que j’étais travaillée par le besoin d’y revenir, et par le goût d’approfondir mes expériences de transcendance.
    Je peux nommer à présent la sensation qui m’habite quand je laisse passer le temps sans les approfondir : une grande nostalgie (regret/désir de me reprendre).
    Je peux enfin témoigner de ce que ces expériences sont des cadeaux qui nous sont faits. Merci, Régis, de souligner l’importance d’y prêter toute l’attention respectueuse qu’elles requièrent.
    Anne

  9. Au moment où tant de guerres, de malheurs et de conflits viennent nous heurter chaque jour, comme il est bon d’entendre vos témoignages à chacun. Je me sens ainsi très en lien avec vous. Comme il est bon de continuer de croire et d’espérer avec ces sensations de communion humaine et d’être ainsi appelée à continuer de « conquérir » ce lieu d’ouverture et de relation à la transcendance, en moi, en nous, en chacun.

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