L’authenticité est évidemment liée à l’estime de soi, sujet du livre, passionnant, de Christophe André : « Imparfaits, libres et heureux ».
Dans la lettre PRH de juin 2006, celui-ci nous avait livré quelques pistes supplémentaires, toujours d’actualité.
– Comment définiriez-vousl’authenticité ? -Dr. Christophe André : c’est la capacité à être soi-même face aux autres, sans efforts ni mensonges. Mais cette définition appelle aussitôt un bémol, parce que notre époque survalorise cette notion. Chacun rêve de se « réaliser », or ce concept peut aussi déboucher sur l’individualisme. Au pire, il devient une espèce de narcissisme : « je fais et dis ce que je veux, ce sont les autres qui doivent s’adapter à moi ». D’ailleurs, beaucoup de personnes confondent l’authenticité avec la spontanéité : en réalité, elle est la rencontre entre nos mouvements naturels et nos valeurs personnelles, réfléchies.
– Est-ce important de l’atteindre ? – Dr. C.A. : Oui, c’est fondamental. Se comporter en fonction de ses pensées, en adéquation avec ses sentiments, amène cohérence et confort émotionnel. Plusieurs expériences ont prouvé, par exemple, que mentir entraîne un stress physique important. Lorsqu’on oublie l’authenticité, on copie les autres pour être accepté, on renonce à avancer à visage découvert, on se cache. Certaines personnes qui ont une haute estime de soi croient être authentiques en ne présentant que leur meilleur côté. Pour être authentique, il ne faut pas avoir peur de ses limites, de ses imperfections. C’est une marque de respect de soi-même. En ce sens, paraître tel que l’on est, sans chercher à s’embellir est une des composantes de l’estime de soi.
– Et souhaitable aussi pour la vie en société ? – Dr. C.A. : Il ne faut pas trop s’éloigner de soi dans notre façon d’être avec les autres. Si nous sommes authentiques, cela nous rend plus facilement compréhensibles pour ceux qui nous entourent et si nous sommes « vrais », nous apparaissons aussi plus fiables. L’authenticité donne plus de force à nos gestes et à nos propos.
Cependant, une authenticité réelle peut devenir toxique si elle heurte la fragilité et les valeurs de nos interlocuteurs. Avoir ma place au milieu des autres, oui, mais la solidarité et le respect d’autrui doivent primer. Sinon, c’est juste une facilité. L’authenticité constitue une bonne base, mais ce ne peut être qu’un point de départ, pas une philosophie de vie. Elle doit s’intégrer dans un souci de l’autre et s’accompagner de tout un cheminement en ce sens. Du coup, chacun en bénéficiera et ce comportement aidera aussi notre entourage au lieu de le déranger.
– Est-ce plus difficile aujourd’hui d’être vrai, à cause du culte de l’apparence, de la performance ? – Dr. C.A. : Non, c’est peut-être même devenu trop à la mode… On nous vend de l’authenticité-bidon, au travers de la télévision, des publicités, etc. Les stars, les hommes politiques se montrent sous un jour à la fois sympathique et fragile, mais tout est faux, fabriqué, c’est de la « fausse-monnaie » d’authenticité. Dans notre société, la tolérance à la spontanéité est plus grande qu’autrefois. De même que s’est accrue, parallèlement, l’intolérance aux interdits et à la frustration. Aussi, je dirais que c’est plus facile aujourd’hui de se montrer authentique, mais attention : il ne doit pas s’agir d’une posture, c’est une construction et elle nécessite des réajustements constants en fonction des situations.
Christophe André, 56 ans, psychiatre, exerce à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, au sein d’un Unité de Psychothérapie Comportementale et Cognitive, spécialisée dans le traitement des troubles émotionnels, anxieux et dépressifs. Il a publié de nombreux ouvrages grand public , dont Conseils de psys : 100 réponses d’experts pour mieux vivre ses petits travers (ouvrage collectif)( 2012 ) ; Sérénité : 25 histoires d’équilibre intérieur ( 2012) ; Méditer, jour après jour : 25 leçons pour vivre en pleine conscience ( 2011) ; Psychologie positive : le bonheur dans tous ses états (avec Thomas d’Ansembourg, Isabelle Filliozat, etc.) ; Les états d’âme : un apprentissage de la sérénité (2009) ; Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi (2006); Et n’oublie pas d’être heureux (2014).
Pour aller plus loin avec PRH : « aller au bout de mon authenticité »
Quand nous vivons l’authenticité dans nos relations quelque chose en vous vibre car nous parlons à partir ce que nous sommes réellement au fond de nous. Cette vibration est tout à fait perceptible et l’autre l’entend, l’écoute et ressent quelque chose de particulier. Il a la liberté de vouloir entretenir cette relation pour aller plus loin .. car donne donne envie. Donner envie pour mettre EN VIE… quel beau projet de vie à vivre chaque instant de notre journée très ordinaire.
Notre chemin d’authenticité n’est jamais terminé.Il est en constante construction.
En lisant cet article,je me suis arrêtée à ce passage:
« Pour être authentique,il ne faut pas avoir peur de ses limites… »
Les miennes me déstabilisent un peu,car c’est aujourd’hui,àl’étape de la retraite que j’ose les regarder,Les intégrer,les partager aux autres,me fait vivre une étape inconfortable car je ne suis pas habituée à me vivre ainsi avec cette partie de mon être,fragile, conscientisée.
Cette nouvelle étape d’authenticité va me mener vers des choix de vie plus ajustés,plus paisibles,pleins de nouvelle espérance…
Françoise
« Cependant, une authenticité réelle peut devenir toxique si elle heurte la fragilité et les valeurs de nos interlocuteurs ». Fondamentale remarque, qui invite à aiguiser toujours plus notre écoute de l’autre, afin d’en avoir une juste connaissance. Passionnant défi !
A.B.
Merci pour cet éclairage sur l’authenticité « authentique » !