« Mon art (…) c’est d’exprimer en geste et en mouvement la vérité de mon être »

Il y a un siècle, une femme révolutionnait la pratique de la danse. Isadora Duncan, par sa liberté d’expression, sa spontanéité, la place qu’elle redonnait à l’harmonie du corps, ouvrait la voie à la danse moderne, à l’origine de la danse contemporaine. Dans son livre de mémoires, ‘’Danser ma vie’’, elle écrit :

‘’Mon art (…) c’est d’exprimer en geste et en mouvement la vérité de mon être’’

Cette phrase, aujourd’hui, Laure la fait sienne et l’incarne. Danseuse et professeur de danse contemporaine elle témoigne de son parcours depuis que PRH l’a touchée, rejointe, dans ce qu’il y a de plus précieux en elle.

P.E : Laure, tu as fait une première session PRH il y a cinq ans, et assez rapidement tu t’es engagée plus avant dans la formation, est ce que tu peux nous dire ce que tu as vécu?

J’étais dans une période de déroute en fait, et au départ PRH a été une bouée de sauvetage pour traverser le tumulte, comme pour bien des gens je crois. Et puis, assez vite, c’est vrai, PRH a touché des choses essentielles en moi. Par exemple j’ai pris conscience de combien je vivais mes qualités d’être dans mon métier, la danse, et qu’en rejoignant mes qualités d’être ça pouvait m’inspirer pour ma vie toute entière. La danse, depuis que je suis toute petite, charrie en moi l’optimisme, et bien en fait PRH aussi !… alors là, je l’ai croqué à pleine dents !

P.E : Bon, tu en viens tout de suite au cœur du sujet : la danse, ton art de la danse, c’est vraiment central dans ta vie n’est-ce pas, on peut dire que c’est ta vocation.

‘’Vocation’’… je ne sais pas… c’est un mot que je n’emploierais pas non, je ne m’y reconnais pas. Mais, c’est sûr, dès que la danse est entrée dans ma vie, toute enfant, ça a été essentiel pour moi, vital.

Dans la danse lorsque je fais l’expérience de l’élasticité de mon corps, ma capacité de rebond, mon souffle, mon endurance, c’est là que je me sens la plus vivante, profondément vivante, lorsque j’exerce ma fluidité, ma liberté dans l’espace, dans la relation aux autres… pour moi c’est vraiment la symbolique de LA VIE !

Et il y a un écho très fort en moi, entre mon expérience de la danse et PRH. Par exemple lorsque mon corps se déploie dans la danse, j’ai besoin du juste effort, d’une énergie adaptée, d’une grande connaissance de moi dans mon corps, connaître mes appuis par exemple…et bien savoir sur quoi je peux m’appuyer dans mon corps, et dans ma vie, c’est pareil.

Oui, ‘’connaître mes appuis’’, ce sont des mots de la danse qui disent bien mon expérience de PRH.

En tant qu’artiste je vis beaucoup avec ma sensibilité, ma créativité, mon imagination, et c’est très encouragé et valorisé dans mon milieu. En plus elle fonctionne bien avec mon corps, alors ça ‘’turbine à fond’’ !… La sensibilité chez un artiste a tendance à être un peu ‘’le chef’’, c’est assez logique… Mais, grâce à PRH, j’ai pris conscience qu’elle peut abuser de ses pouvoirs, fonctionner à l’excès, et laisser moins de place à la conscience profonde par exemple. J’ai vraiment appris, et j’apprends, à discerner entre ‘’être’’ et ‘’sensibilité’’, ‘’conscience profonde’’ et ‘’sensibilité’’.

Et puis l’imagination comme source, c’est très différent du fonctionnement imaginatif, tel que PRH m’a aidée à le conscientiser. Je mesure combien c’est important de discerner, dans mon quotidien ce qui est fécond, de ce qui peut apporter de la confusion et gâcher la vie.

J’ai suivi un groupe d’intégration ‘’d’où partent mes actes ordinaires’’, qui m’a beaucoup apporté, concrètement, dans mon quotidien. Mieux me connaître, apprendre à vivre plus ajustée… je suis très enthousiaste par rapport à ça, mais j’apprends aussi que ça ne se commande pas.

P.E : Oui, André Rochais disait : « on ne fait pas pousser une plante en tirant dessus ».

Exactement, et je pourrais, dans mon enthousiasme, et dans l’énergie que ça me donne, être un peu volontariste, mais j’apprends aussi à laisser faire, le lâcher-prise, l’abandon… et du coup, dans ma danse aussi… je ne suis plus toujours dans le ‘’faire’’ et la prise d’espace, je donne toute son importance au fait de respirer et d’être attentive aux mouvements intérieurs… et je redécouvre ce que j’ai aussi de posé, de calme, moi qui me connaissais dynamique, vive, enjouée… avec PRH je fais aussi cette expérience que l’image de soi s’ajuste.

P.E : Il y a vraiment une complicité intérieure, très forte et très intime en toi, entre ton expérience de PRH et ton expérience de la danse.

Ah oui, et ça, j’adore ! Ça met dans de belles directions de vie… Et puis c’est complémentaire aussi, la danse au départ c’est plutôt un art sans mots, et avec PRH je goûte à nouveau le sens des mots, et ça me fait du bien de verbaliser.

Je gagne en confiance pour moi-même, et aussi pour les autres, mes élèves par exemple. Je gagne en confiance, et plus que ça, c’est la foi en la vie qui grandit en moi. Et même dans les périodes de vulnérabilité, de difficulté à vivre, j’ai cette confiance, cet optimisme… je sais que ‘’ça va aller’’ (même si des fois c’est pas rien de le dire…)

C’était déjà en moi avant PRH, mais pas à ce degré de présence. La confiance en la vie, c’était un peu une ‘’posture romantique’’… maintenant c’est ancré dans ma terre. La force que ça me donne est très précieuse pour moi, elle me permet de transformer le doute qui peut être très paralysant pour un artiste, en doute ‘’chercheur’’, çà c’est bon, c’est fertile et je sens que ça met en lien avec les autres.

P.E : Ça fait plusieurs fois que tu parles du lien avec les autres, de tes élèves, en quoi c’est important pour toi ?

Quand on danse on n’est pas tout seul, la danse c’est vraiment être ensemble, c’est la fête, c’est la joie, se regarder, se toucher… quand ça m’emporte et ça chante en moi… la musique, la musique du mouvement, ça met en lien, on est en lien.

Il y a une poésie des corps, du mouvement, des personnes qui dansent, et c’est ça mon art.

Je suis aussi pédagogue, et PRH m’a aidée à grandir dans cette dimension de moi. J’ai beaucoup de plaisir à écouter les enfants et les jeunes qui sont mes élèves, à découvrir leurs talents, à les guider dans le mouvement vers eux-mêmes et dans une qualité de présence à eux-mêmes et aux autres.

Aujourd’hui, lorsque un élève arrive, soucieux, tendu, avec une dissertation de Français à faire par exemple, et des scrupules à venir danser au lieu de faire son devoir, j’essaye de l’accueillir et de le rejoindre là où il en est : ‘’ok t’es comme ça, là, maintenant’’ et un peu plus tard pendant le cours je reviens vers lui : ‘’et maintenant, là, t’en es où ?’’ Je l’accompagne, pour qu’il vive sa danse, qu’il soit présent à ce qu’il danse… et après, il y a de grandes chances pour qu’il se trouve plus disponible à son devoir de Français.

Je disais tout à l’heure que je n’étais plus tout le temps dans le ‘’faire’’ et la prise d’espace… et bien dans mes cours c’est pareil, je peux proposer des choses où il y a moins de manifestations et plus de préparation. Mon but ce n’est pas que les élèves copient la forme que je propose, c’est qu’ils l’habitent. C’est tout un travail d’écoute, de vigilance pour que les élèves dansent, et non qu’ils ‘’fassent de la danse’’

P.E : Je ressens, à travers tes mots, combien tu vis ce que tu dis, tes mots chantent … et je sens aussi, tu vas me dire si c’est juste pour toi, une dimension de transcendance.

Ah mais oui, je le crois, lorsqu’on danse on danse au-delà de soi-même, on danse avec de l’infini. Dans la conscience que l’on a du mouvement, la main va plus loin que la main… y’a pas que ce qu’on voit, y’a une projection du corps… oui, dans l’infini.

Avec PRH j’ai pris conscience de combien la danse était le noyau de ma vie, parce que j’ai découvert où c’était enraciné en moi. Je le savais plus ou moins avant, mais pas avec cette force d’évidence. C’est un surcroit de légitimité, de liberté, et de responsabilité aussi…je suis maitre à bord.

Cette force d’évidence me donne un ancrage pour tous les choix de ma vie, me permet de les déplier, de les déployer, d’oser ma liberté.

Cette conscience affinée de ce que je suis, de qui je suis, me donne une force de vie qui va loin et renforce en moi une cohérence entre ce que je suis, ce que je vis, et ce que j’enseigne.

 Interview réalisée par Paul Etienne PEREZ, en 2018

3 commentaires sur « « Mon art (…) c’est d’exprimer en geste et en mouvement la vérité de mon être » »

  1. on aura beau écrire, écrire et encore écrire, il y aura toujours l ‘ indicible…Ce qui ne peut se dire.Alors écoutons la musique et la danse.

  2. Merci, c’est vraiment très beau. Je suis parfaitement d’accord sur le rôle de la sensibilité quand on aime l’art et j’exprime une beauté qui est en moi, en nous tous, et qui se libère par l’écriture. Être enraciné, pour moi, c’est encore difficile car il y a eu une coupure…recoudre, réparer, soigner, aider à cicatriser ça peut être très lent. Je suis tenace et je sais vivre aussi du courage. Grand merci pour ce blog.

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