Rencontre avec Mary Viénot, comédienne : « Être clown, c’est ma nature »

Mary est anglo-irlandaise. Le goût du théâtre est très enraciné dans sa famille. Avec son mari Michel, ils ont créé la compagnie Le Puits, un théâtre itinérant. En ce moment Mary tourne avec sa pièce « Maintenant que j’ai l’âge de ma grand-mère », où elle met en scène son personnage de clown, Plouk. Mary est également l’autrice de Foi de clown (éd. de l’Atelier).

Le blog de PRH : Mary, comment es-tu venue au théâtre?

A 20 ans je voulais faire quelque chose pour ce monde mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. J’ai décidé d’enseigner le théâtre pour rencontrer les gens, aider, donner confiance… Quand j’ai compris que le théâtre est vecteur de changement, j’ai eu le désir de monter sur la scène. C’est sur scène que je peux devenir moi-même et aller vers les autres.

Jouer une pièce de théâtre peut agir en profondeur sur les spectateurs, elle peut les amener à un questionnement. Les émotions vécues pendant un spectacle contribuent à nous transformer de l’intérieur.

Le blog de PRH : Tu as fait une école pour devenir comédienne ?

Je voulais acquérir des compétences professionnelles. J’ai trouvé une bonne école à Paris et je suis venue en France. J’avais 28 ans, j’étais engagée dans un travail social et mes parents n’ont pas compris pourquoi je voulais faire cette école, ils n’ont pas réalisé que j’avais le métier de comédienne au cœur, que c’est ce qui donnait sens à ma vie.

J’ai suivi la formation pendant deux ans. J’y ai appris un métier et j’ai aussi appris à aimer, puisque c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Michel, mon mari.

Dès la sortie de l’école j’ai commencé à jouer mon personnage de clown et à monter des spectacles.

Me faire un nom, me faire connaître dans le monde du spectacle ne m’intéressait pas. Je voulais jouer pour un autre public que le public habituel du théâtre, aller à la rencontre des plus défavorisés et jouer au milieu d’eux. Avec Michel, engagé dans ATD Quart Monde, nous avons rencontré Joseph Wresinski, fondateur du mouvement, qui s’est enthousiasmé pour notre projet de jouer pour les personnes défavorisées. « Je vous attendais depuis des années », nous a-t-il dit. Il nous a alloué un budget pour que nous puissions apprendre à créer des spectacles de théâtre populaire. Pendant neuf ans, avec Michel, nous avons créé des spectacles itinérants, joué dans les cités, des camps de gitans, des bidonvilles…On allait là où le mouvement était implanté. ATD nous a ouvert des portes : sans le mouvement, je ne serais pas allée dans les lieux où nous avons joué, ça facilitait les rencontres et notre relation avec le public.

Pendant ces neuf ans j’ai donné ce que je savais faire de mieux : jouer.

Mais je voulais créer des spectacles à teneur spirituelle, qui s’adressent à l’homme dans son entier. En Angleterre nous n’avons pas, comme en France ce passé sur la laïcité, en tout cas pas de la même manière. Dans mon pays on va faire des prières dans les écoles publiques, par exemple. Cela me donne beaucoup de liberté car je ne porte pas cet héritage sur le dos.

Dans mes spectacles, je cherche une manière de parler de la spiritualité, de ce que je vis, mais je ne veux rien imposer.

Le blog de PRH : Parle-nous de ton personnage de clown, Plouk.

C’est le personnage que j’aime le plus depuis mon enfance. Être clown, c’est ma nature : quand je joue des tragédies je fais rire ! Mon personnage de clown, c’est moi, il vit en moi. Je sens que je peux y être vraiment moi-même, il me permet de dire des choses que souvent on cache et qui, j’espère, libèrent l’autre. Ce personnage existe en chacun de nous mais certains le cachent bien.

C’est l’enfant qui a grandi en nous et qu’on ne peut pas montrer car la société ne le permet pas. Il peut amener le public à aller au-delà de ses peurs, s’ouvrir à ses émotions.

Le blog de PRH : Comment vis-tu ta relation au public ?

Avant de monter sur scène je me demande pour qui je me prends, je doute de moi, mais je sais que si je me crois « capable », rien ne se passera. Ma fragilité me permet de rejoindre le public : je veux être dans la rencontre et la simplicité. Jouer une pièce est toujours nouveau. J’aime jouer un spectacle longtemps, au bout d’un certain nombre de représentations je suis libre dans mon jeu et libre avec le public. A chaque fois je me demande comment le public va recevoir la pièce, la faire évoluer.

Propos recueillis par Marie Gambiez, collaboratrice PRH

6 commentaires sur « Rencontre avec Mary Viénot, comédienne : « Être clown, c’est ma nature » »

  1. Merci, surtout les deux images suscitent en moi surprise, étonnement, un grand courage, une grande force bien que dans une fragilité et une grande capacité d’aimer, de s’aimer, aimer les plus démunis; et un très grand humour qui réussit à ne pas se prendre trop au sérieux mais très sérieusement sa propre nature: l’extraordinaire du naturel. Dans ma jeunesse, passée en France, j’aimais écouter de temps en temps, un disque de Fernand Renaud … j’aimais rire e faire un peu rire, en racontant, par exemple, des histoires à ma copine, à la récré … Aujourd’hui je raconte, encore quelques fois, ma vie intérieure en poésie. Voilà … Pour moi, tout ceci est émouvant. Merci.

  2. J’ai eu la chance de voir plusieurs spectacles de Mary ou de Michel, son mari, ces dernières années. Beaucoup d’humanité et une grande générosité dans leurs œuvres, qui parlent au cœur. Leur ouverture aux plus petits est magnifique. Merci à eux, et merci à Marie G. d’avoir proposé cette rencontre dans le blog.

  3. Je suis libre, libre de tout personnage, de tout rôle que mon ego m’impose. Libre dans le non-savoir. En recevant l’inspiration de l’intérieur: un lieu de créativité puissant, et en même temps fragile, le lieu où le neuf jaillit en permanence, le lieu où je me sens être puissamment moi-même, mais un être où moi-même suis abandonné, relâché, desaproppié, entièrement donné. Les mystiques, les « pauvres en esprit » dont parlent les Béatitudes vivent ce lieu intérieur totalement connecté au Saint-Esprit, le
    « flow » dont parle le psychologue américain Myhaly. C’est un lieu de profond bonheur et de joie, indescriptible en mots, tellement il est immense et tout petit, fragile et pourtant puissant, humble et pourtant universel. C’est un lieu où la vie jaillit en permanence, l’eau vive dont a parlé Jésus qui a déjà un goût d’éternité. On peut le décrire avec d’autres mots même non chrétiens, car tous on peut le vivre, à tout moment, à chaque instant. Moment de grâce qui transforme et qui a un goût de plénitude. Bravo pour ce témoignage qui me rejoint dans ma fibre d’être humain, la partie la plus noble qui soit.

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