Professeure des écoles et conseillère pédagogique, Pascale Pocard a élaboré au fil des années une méthode d’apprentissage originale permettant de donner des bases solides aux enfants mais aussi de leur donner confiance, afin qu’ils deviennent des adultes aptes à appréhender et respecter le monde. Interview.
PRH : Bonjour Pascale, quel est ton parcours ? Comment en es-tu arrivée à créer cette démarche ?
J’étais enseignante, institutrice dans une petite école de classe unique avec 7 niveaux. Ce qui me rendait souvent triste c’était de constater que je n’arrivais pas toujours à faire comprendre les notions aux élèves, ça m’interrogeait et je cherchais des solutions. J’avais compris que l’école jouait un grand rôle dans notre construction personnelle. J’avais compris que si un enfant réussissait à l’école, il prenait confiance en lui. L’école est un levier pour notre vie d’adulte ; elle nous donne un pouvoir sur notre vie.
Très rapidement je suis devenue conseillère pédagogique. En étant formatrice, je suis allée dans les classes et j’ai observé les pratiques des autres enseignants; cette prise de recul m’a beaucoup apporté et j’ai pu commencer à créer des outils. J’alternais entre la pratique dans mes classes et la formation des enseignants. Pendant 25 ans j’ai expérimenté, j’ai créé des d’outils, j’ai essayé, j’ai recherché. Et c’est ainsi que cette démarche a vu le jour. Ce n’était pas un projet de départ, c’est venu en faisant.
PRH : Quelles sont les caractéristiques de cette démarche, la démarche des savoirs essentiels ?
Née d’expérimentations nombreuses, la démarche s’appuie sur les découvertes pédagogiques et scientifiques, notamment celles traitant du fonctionnement du cerveau lors de l’apprentissage.
La première caractéristique est que nous enseignons les savoirs de base, ceux qui expliquent comment fonctionnent les choses. Par exemple, avant d’apprendre à lire, on explique à l’élève comment fonctionne notre écriture alphabétique. Par exemple, avant d’apprendre les nombres, l’enfant apprend ce qu’est la base 10 et comment s’en servir.
La deuxième caractéristique est que l’élève apprend l’utilité de tout ce qu’on lui enseigne. Par exemple, l’utilité de l’adjectif est d’enrichir une histoire.
La troisième caractéristique est que c’est une pédagogie valorisant le collectif, un lieu où toute la classe avance ensemble. Le fait d’avancer ensemble crée une cohésion, un sentiment d’appartenance à un groupe, une énergie entre les enfants. La réussite des uns permet la réussite des autres.
Je me souviens de ma dernière année d’enseignement, le jour où un élève de maternelle, après un long moment, a réussi à compter jusqu’à 6. Les autres élèves étaient heureux et ils m’ont dit « Maîtresse, ON a réussi ! ».
PRH : Aurais-tu des conseils à donner aux parents ?
Je donne les mêmes conseils que ce soit pour des élèves en difficulté ou non :
Porter un regard positif sur son enfant, c’est-à-dire l’encourager dans tous les progrès et réussites, même minimes. Il faut éviter de le dévaloriser, ne jamais le comparer aux autres parce qu’on est tous très différents, qu’on n’aborde pas les choses de la même façon, que notre temps de maturation n’est pas le même, qu’on n’a pas tous les mêmes facilités.
Avoir un regard aidant, pour que l’enfant sache que l’adulte est auprès de lui. Lors de l’apprentissage des leçons à la maison, il est important que l’enfant puisse, en premier lieu, raconter avec ses propres mots ce qu’il a compris à l’adulte aidant. Et si besoin, l’adulte lui expliquera ce qu’il n’a pas compris. Tout ce travail explicatif est nécessaire avant la mémorisation de la leçon.
Il ne faut pas prolonger le temps de travail le soir, ce n’est pas grave si tout n’est pas fait ; une demi heure par jour est largement suffisant en école primaire. Le mercredi doit rester un jour de repos, un jour pour faire autre chose.
Se montrer bienveillant et rassurer son enfant. Par exemple s’il revient avec une mauvaise note, c’est lui dire : « Ce n’est pas grave », surtout s’il a travaillé, s’il a fait son possible. C’est à l’adulte de l’aider à comprendre là où il a échoué.
Avoir un regard de confiance sur son enfant pour son avenir d’adulte, se dire que son enfant arrivera.
Être structurant. Il est important de donner aux enfants un cadre qui ne change pas, avec des règles définies à l’avance, un temps ritualisé (par exemple des repas toujours à la même heure, un temps de sommeil suffisant, une heure de coucher toujours à la même heure,…), avec un espace de vie bien organisé et rangé. Ces rituels construisent et rassurent l’enfant.
Propos recueillis par Marie-Odile Lortz, collaboratrice PRH
Pour en savoir plus sur la démarche : ecole-savoirs-essentiels.fr
Merci, je retrouve des objectifs, des valeurs, une direction qui ont guidé et guident encore mon parcours professionnel. Pour moi aussi, la réussite scolaire est une première réussite pour la vie et il est encore difficile dans l’école italienne, du moins, dans certains contextes, de comprendre l’origine des difficultés de l’apprenant en tenant compte de l’enfant et pas seulement de l’élève … Ici, l’abandon scolaire a un pourcentage, malgré tout, encore significatif…
Je suis émue de lire que les enfants ont dit « ON a réussi ». Ces enfants ont de l’amour les uns pour les autres. Quelle belle réussite, maîtresse !
J’ai beaucoup aimé cette rencontre sur les savoirs essentiels. En tant que professeur de musique, je rejoins l’idée d’expliquer pourquoi on apprend telle chose. Par exemple quand les enfants butent sur la lecture ou la dictée en solfège, je les aide à composer un petit morceau pour qu’ils voient l’utilité ou bien j’ écris devant eux une mélodie entendue à l’oreille et cela leur donne envie d’apprendre. Et puis aussi partir de ce qu’ils savent faire ou ce qu’ils écoutent pour aller plus loin. Et la régularité aussi car jouer d’un instrument c’est physique…
Ancienne institutrice passionnée par mon métier, je suis très intéressée par l’interview de Pascale Pocard et admirative de sa démarche des savoirs essentiels.J’adhère complètement à ses conseils aux parents.
Le fonctionnement actuel de notre société me mène à penser qu’il serait nécessaire que l’école développe le savoir ÊTRE dans le RESPECT de soi-même et des autres.