Si comme moi, vous avez un bout de jardin, même tout petit, vous savez bien que le fameux « En mai, fais ce qu’il te plait » est moins une invitation qu’une constatation parfois un peu consternée…Et oui, en mai, chacun au jardin semble vouloir pousser dans tous les sens avec une charmante frénésie.
Selon l’humeur du matin – comprenez si j’ai bien dormi – j’observe avec humour ou désarroi que les physalis ont encore gagné du terrain autour de la spirée, que les hémérocalles envahissent de leurs promesses les rosiers, que les centaurées étouffent le lilas nain…Bref, la philosophie du jardin spontané me donne, en mai, je l’avoue, du fil à retordre. Je renonce alors au p’tit bois derrière chez moi parce qu’enfin, ça n’est plus possible, il faut mettre de l’ordre dans tout ça, et surtout…surtout gérer l’espace pour préserver la biodiversité.
Alors que j’arrache, déplante et cueille des brassées de fleurs odorantes, je me dis que parfois, c’est un peu comme ça en moi : Les pétulances de ma sensibilité étouffent de minuscules pousses, le corps y va de ses tambourinades, et le moi-je oscille entre tailler tout ce qui pousse et tirer sur ce qui traîne. Dans tout ça, les subtils élans de l’être, la délicatesse de leur parfum sont parfois difficiles à percevoir, protéger et encourager.
Alors que je contemple satisfaite mon travail de mise en ordre, il me semble qu’entre nous, il en est aussi parfois ainsi…Nous poussons avec ce que nous appelons la vigueur de nos dynamismes sans toujours voir comment nous envahissons le terrain de l’autre.
Comme il en faut de la patience pour occuper toute sa place, et rien que sa place. Comme il en faut de la lucidité pour consentir à déployer ses voiles avec justesse, sans dépasser ses limites, et permettre ainsi à la douce bruyère de pousser sans bruit, sous l’ombre rafraîchissante d’un autre. Comme il en faut de l’humilité pour accepter que c’est la beauté de l’autre, conjuguée à la mienne qui rend le petit bout d’humanité dans lequel je vis plus humain et plus beau.
Allez, trêve de belles paroles, je vous laisse car j’ai encore du travail de mise en ordre au jardin, maintenant avec les oiseaux : Pour eux aussi, c’est mai, et comme chaque année, ils font ce qui me déplait prodigieusement : Ils mangent mes cerises avant même qu’elles ne soient mûres !
Chers amis blogueurs, je vous souhaite un joli mois de mai !
Sylvie Grolleau, formatrice agréée PRH
Merci Sylvie pour ces lignes pleines de poésie, de délicatesse et d’humour; je suis rejointe dans mon aspiration à occuper ma place, rien que ma place et comme c’est bon pour moi que de reprendre conscience que mon rythme, mes besoins me sont propres …
Observer mon jardin peut me mener loin …Toute une leçon de Vie !
OK, je m’y mets aussi : ces jours-ci, je prends plus de temps
dans mon « être-jardin ». Bon « jardinage ». VG
Comme il me tarde de devenir bruyère à l’ombre du myosotis ! Je ne désespère pas de mai, ni ne moi. Ah, mais !!
Merci, Sylvie, de titiller nos élans rebelles !
Je dois dire que j’aime la luxuriance d’un jardin printanier où toutes les fleurs y vont de leurs couleurs, de leurs formes, de leur charmant désordre. Les oiseaux aussi savent par leurs chants vibrants nous montrer que la vie renait. Cela me fait toujours beaucoup de bien. Cela réveille aussi en moi un chant puissant de reconnaissance.
…. « Beauté de l’autre conjuguée à la mienne… »
Rester dans l’ouvert, l’accueil et de son unicité et de celle de son regard, de sa perception nécessairement autre que la mienne, capable de m’enrichir , de me stimuler, pour ensemble con-juguer-quel beau mot- l’emerveillement, celui qui peut nous conduire à aimer donc à respecter davantage encore tant la Nature sous toute ses formes que l’unicite de chacun.
Quel joli partage pour une réflexion profonde. Merci.