‘’L’appel de la vie à elle-même’’

Suite à un accompagnement individuel, j’ai reçu de la personne un bilan dont j’avais envie de vous partager son analyse (avec son accord et sous couvert d’anonymat). Je trouve qu’elle illustre bien la manière dont peut se construire intérieurement une prise de conscience. Elle illustre aussi combien peut être importante et féconde une demande de relation d’aide. L’entretien portait sur les difficultés de la personne à se situer face à ses parents âgés et leurs besoins d’être accompagnés.

« Face à la situation de mes parents, très âgés, il y a en moi une volonté d’agir, elle est plus ou moins forte, plus ou moins vaillante selon les moments, mais cette énergie-là existe en moi.

De quoi est-elle faite ? D’un refus, d’une résistance, un refus de céder à une ‘’loi du talion’’ et d’y être enfermé : tu m’as déconsidéré  je te déconsidère, tu m’as mésestimé je te mésestime. Un refus de l’injustice, il n’est pas juste qu’ils soient laissés à eux-mêmes dans la vulnérabilité du grand âge, la justice ne fonctionne pas ‘’au mérite’’, la justice c’est un équilibre de la vie.

Il y a cela en moi, très fort, tenir dans un équilibre de la vie. Je tiens à la vie comme à un bien très précieux, je tiens à dire oui à la vie en moi, et la vie me commande de prendre soin d’elle, sous des formes bien diverses, en particulier lorsqu’elle est fragile, vulnérable, faible.

Je suis touché par cet état de faiblesse.

Il me commande d’être solidaire, il me commande d’être agissant, d’être partenaire, il me commande d’être là présent pour eux, de partager une part de ma vie avec eux.

Il me revient le texte de Khalil Gibran « vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à elle-même » il en va de même pour les parents. ‘’L’appel de la vie à elle-même’’ c’est ça qui se fait entendre en moi.

Mes parents ne sont pas (que) mes parents, ils sont l’écho de l’appel de la vie à elle-même, ils sont la voix et la voie de l’appel de la vie à elle-même, ils sont le passage de l’appel de la vie à elle-même.

C’est un beau lien que ce lien avec eux, un lien de confraternité –c’est ce qui se dit en moi- un lien de coéquipier, coéquipier de la vie, du passage de la vie.

Comment ne pas être présent à eux, à l’heure où la vie les quitte, eux qui ont été le passage de la mienne.

Je pense à leurs parents, et aux parents de leurs parents, à toute cette chaine humaine qui fait l’humanité. Lorsque tu sauves une vie tu sauves l’humanité dit le Talmud.

 

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Plus fort que le lien affectif/familial, il y a ce lien d’humanité, ce lien de la famille humaine. Un lien unique : mon passage à l’humanité s’est fait par eux, je regarde ce passage comme un lien unique. Ce n’est pas que je leur doive quelque chose, ce n’est pas une affaire de dette et de remboursement, je regarde ce passage comme un lien unique, et j’ai à être là. »

 

Brigitte Daunizeau, formatrice agréée PRH

7 commentaires sur « ‘’L’appel de la vie à elle-même’’ »

  1. Merci à cette personne anonyme de nous faire sentir ce qu’ est l amour gratuit, bien plus fort que les blessures que cette personne a connu et qui pourraient la laisser à l écart de ses parents… je sens dans ce témoignage que cette expérience la rend heureuse et en paix ! Ça donne envie !

  2. Merci pour ce très beau partage. Il y a, au fond de nous, un « au-delà de nos blessures », une énergie positive de solidarité et de générosité. C’est autre chose qu’un devoir, c’est un élan profond du coeur, qui vient nous transformer et nous faire agir, et grandir. Oui, merci à cette personne d’avoir accepté de nous partager son bilan.

  3. je n’avais jamais vu « les choses » comme ça, sous cet angle. C’est d’une autre dimension, bien au-delà. C’est nouveau pour moi. Ça me fait réfléchir.

  4. Merci pour cet éclairage
    Il faudrait faire lire ce texte à tous les personnels de santé qui nous disent que c’est normal que l on s occupe de nos parents parce que eux se sont occupés de nous , rajoutant ainsi de la redevabilite et du devoir à des relations tendues et qu il faudrait apaiser
    Une amie me disait qu il fallait remercier ses parents de ne pas avoir été à la hauteur de nos attentes parce que c’est ce qui a forgé notre personnalité, notre résistance . Une autre façon d aborder ses blessures pour les transformer en énergie

  5. Bonjour, c’est formidable comme témoignage, loin de la rancune , de la colère qui parfois m’assaille !
    Merci de ce témoignage humain, presque sur humain !

  6. Je suis frappée par le cheminement de cette personne, qui ne néglige ni le positif, ni le négatif de ses mouvements intérieurs, afin de discerner de quoi est faite sa volonté d’agir. Il serait si simple de « faire son devoir envers ses parents» ou de céder à la rancune de ce qu’ils ne nous ont pas donné. Je sens dans ce texte une belle recherche en vérité, un tâtonnement vers la juste attitude. J’y perçois l’émergence progressive de ces trésors enfouis en elle que sont la compassion, l’humilité (prenant appui dans le texte de Khalil Gibran), la force, la volonté, le goût de la vérité, pour la conduire à une nouvelle dimension de la relation : la confraternité. Merci à cet(te) anonyme de témoigner de son beau cheminement.

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