L’attente

Existe-t-il des personnes qui ne soient pas en attente de quelque chose ou de quelqu’un ? D’aucuns attendent des jours meilleurs, le présent apparaissant trop difficile ; d’autres attendent le changement toujours promis après la prochaine échéance électorale. C’est bien connu : demain on rase gratis.

Il faut savoir attendre,  le temps finira bien par arranger les choses. Le malade attend la guérison, il  prend son mal en patience, d’ailleurs il porte bien son nom, on l’appelle : « le patient ».

Parfois, on peut avoir ce sentiment que notre vie se déroule dans une salle d’attente. Peut-être que la porte finira par s’ouvrir,  une invitation  à changer de pièce. On nous donnera enfin ce que nous attendons depuis si longtemps. Hélas, bien souvent la porte reste close. Nous demeurons là, assis sur nos chaises. On attend !

Longtemps j’ai attendu vainement. Dans mon enfance, solitaire et délaissé, j’attendais enfin qu’on me conduise à l’école pour y trouver des enfants de mon âge. À l’école, j’attendais les vacances pour enfin retrouver une solitude consolatrice. À 12 ans, la poliomyélite me paralyse entièrement. J’attends de pouvoir remarcher, ils vont bien y arriver tous ces gens dévoués. Retrouvant une vie ordinaire, j’attends que l’amour vienne frapper à ma porte. Puis j’attendrai les résultats du bac.

Vais-je attendre ainsi toute mon existence ?

Un jour, je découvre ce que je n’attendais pas. Un stage de développement de la personnalité. Un truc qui venait de naître et qui bientôt s’appellera PRH. J’apprends que tout est déjà là. Il n’y a rien d’autres à attendre que ce qui est. On me dit que ce sera déjà beaucoup, voire suffisant.

Oui mais, quoi ? Le discours sur soi n’est pas nécessairement l’expérience. Il faut du temps pour venir habiter sa terre intérieure. Il faudrait déjà se mettre en chemin vers elle. Personne ne m’avait indiqué une route quelconque. Et même si je pressentais des formes de possibles, cela ne devait probablement qu’être chimère et imagination.

L’expérience. Faire l’expérience d’un réel intérieur. Il ne suffit pas d’écrire quelques lignes sur sa feuille, ni de claquer des doigts. Comment cela va-t-il surgir ?

Pourtant le surgissement se produira. Au moment même où je ne l’attendais pas.

Me voici définitivement pris en défaut face au piège de l’attente.

Il serait faux de dire que je n’attends plus rien. Je suis seulement sorti de la passivité qui consistait à croire que tout viendrait d’un ailleurs qui finirait par arriver. J’ai compris qu’il fallait sortir de la salle d’attente, à cause de son inutilité.

Tout était déjà là, à disposition, en moi et autour de moi. Il suffisait juste d’ouvrir les yeux, le cœur, les bras, d’accueillir et de donner. Et aussi comprendre comment l’arbre vital poussait sur la terre intérieure. Apprendre à jardiner ma croissance.  C’était simple, sans être simpliste, accessible sans être réducteur.

Alors la vie n’attendrait pas. Elle surgirait à chaque instant.

Là. Maintenant.

Être, sans attendre.

Bernard Descampiaux, ancien formateur PRH

17 commentaires sur « L’attente »

  1. Oui, tout est là… gouter au moment présent accueillir ce qui est. Merci à vous de me le faire savourer ce matin.
    Brigitte

    1. Merci d’évoquer cette expérience intérieure qui est donc aussi la vôtre. C’est toujours précieux d’en rendre compte

  2. Merci pour ce très beau témoignage qui fait écho à mon vécu; je sors de la passivité qui consiste à attendre que les autres comblent mes besoins pour entrer dans l’action, une action au service de ma personne, de mon être qui aspire à se déployer pour mon bonheur et celui de mon entourage….

    1. Vous dites très bien le chemin qui vous est offert à chaque instant, sans attendre. C’est toujours un beau cadeau pour l’entourage de déployer qui on est.

  3. Ah oui, Bernard, il s’agit de sortir de la salle d’attente. Et tu as raison il faut trouver le moyen ! PRH en est un mais il n’est pas magique. Il y a un moment où se déclenche la prise de conscience que tu décris si bien.
    Moi aussi j’ai beaucoup attendu. On aurait pu penser à de l’adaptation, de la patience. Mais non, c’était un  » ne pas oser m’aventurer dans MA vie ». J’étais adulte et en plein travail sur moi quand j’ai senti que ça ne pouvait plus durer d’attendre que les évènements ou les autres fassent quelque chose pour que ma vie aille mieux. Pour cela il m’a fallu affronter ce que je ne voulais pas regarder : « je suis en difficulté et je suis seule à pouvoir faire quelque chose pour moi ». Je n’ai jamais regretté d’avoir pris ma vie plus pleinement en main… et j’ai découvert que les autres aussi sont là pour moi quand je demande et qu’ils peuvent m’aider, quand je me mets avec d’autres en apprentissage, ou quand nous discernons à plusieurs. Mais ce qui a changé c’est que je suis active et en relation. Ca change tout !
    Agnès Rebelle

    1. Agnès, je suis témoin de la manière dont tu t’es aventurée dans ta vie, comme tu le dis. Mais c’est vrai qu’il faut du temps. Raison de plus pour essayer de ne pas trop tarder sur les chemins de traverse. PRH a le mérite de nous offrir des moyens pour sortir de nos stagnations. Cette formation nous envoie la balle juste comme il faut… Mais c’est nous qui jouons la partie… seul et avec nos partenaires….

  4. Merci pour cet article ,Bernard, qui invite vraiment à la réflexion…

    « L’attente, un art de vivre »!

    La vie est une longue attente ,signe que cette vie circule en nous…Nous avons le choix de donner une couleur à ces temps d’attente,qu’ils soient mortifères , vides ou remplis d’espérance …Leur donner une couleur qui questionne notre être profond plutôt que de subir ,sans réaction.

    Que dit -elle de qui je suis ,cette « attente » que je ressens aujourd’hui ?
    Elle me questionne ainsi :
    « Qu’est ce que je veux devenir ? »

    Pour répondre, prendre du temps est nécessaire, d’où un temps de retrait ,temps d’exploration de mon réel intérieur. Afin que la vie reste une « ascension », j’ai besoin de descendre dans mon jardin intérieur ,pour,comme le dit Bernard « jardiner ma croissance  » pour ce qui est encore inexploité.

    J’associerai ces deux verbes « être  » attendre de cette manière :
    « Être et attendre » plutôt que « être ou attendre »

    En effet, tout en vivant le plus possible l’instant présent, animée par la musique des petites choses de la vie ,par la douceur des rencontres ,la joie de l’engagement, je ne peux être insensible à ce que j’entends « sourdre » au plus profond de mon être, ces aspirations non encore émergées, non altérées par le temps qui passe, et qui souhaitent germer ,car le moment est venu…
    Ce qui est merveilleux ,c’est que le temps n’a pas de prise sur nos aspirations ,elles éclosent quand tout est réuni pour une germination enfin réussie,là , le temps ne se mesure plus ,c’est seulement le bon moment ,qu’importe le temps de l ‘attente!Elle est sens pour mon devenir,pour ALLER DE L ‘AVANT!

    Les rêves, discernés comme possibles se succèdent .Quand l’un se vit, voilà qu’un autre jaillit et souhaite germer…alors si l’on sent que c’est une évidence ,il n’y a plus de temps à perdre et les attentes à venir auront les couleurs de la joie,de l’espérance pour être encore plus qui je suis pour vivre en harmonie avec le monde.

    Oui, l’attente est vraiment un ART DE VIVRE !

    1. Merci pour ce témoignage éclairant et juste. Il y a en effet une attente active, c’est à dire qui comporte des actes qui favorisent une éclosion dont on n’a pas l’entière maitrise de son déclenchement. La vie intérieure s’accompagne, elle ne s’invente pas selon notre seul vouloir, fut-il bon….

      1. Merci Bernard de me permettre de rebondir::
        Oui ,la vie intérieure s’accompagne,elle n’est pas de l’ordre de la volonté.
        Ma vie intérieure a, tout au long de ma vie,été accompagnée de rencontres humaines très importantes sur un long chemin de spiritualité ,qui ,aujourd’hui en Fraternité, est nourrie de contemplation,de parcours de réflexion nourrissants, de partages,m’aidant à entrer dans une intériorité plus intense et profonde.
        Ce chemin intérieur est très aidant pour affiner mon regard sur le monde et très éclairant pour discerner mon Agir.

        Françoise

  5. merci Bernard pour ton témoignage. Je suis heureuse de te retrouver là et je partage tout à fait ce que tu dis à la fin : « … Alors la vie n’attendrait pas. Elle surgirait à chaque instant.
    Là, maintenant.
    Etre, sans attendre. »
    Monique Pavard, ancienne formatrice PRH

  6. Quel bel article ! Oserai-je dire maintenant que j’ attendais cela ? Il met en route, m’invite, m’appelle à sortir des immobilismes ! Il n’y a pas une minute à perdre, rien à attendre pour exister ! La rencontre avec soi peut se vivre sans attendre, dés maintenant et à chaque instant ! En elle même, cette rencontre me fait sortir de l’inertie et me fait toucher la vie. Merci pour ce réveil de nos consciences !
    Un dernier mot : Il y a une chose que j’attends avec impatience…
    le prochain article du blog PRH !
    Valérie

    1. On a tous nos périodes d’immobilisme. En tout cas, moi j’ai les miennes. Parfois je me secoue les puces moi-même : Mais qu’est-ce que tu attends ! D’autres fois il y a des interpellations salutaires de l’entourage, d’une rencontre, d’une lecture… ou d’un article de blog !
      😉

  7. Merci Bernard pour ce superbe témoignage sur votre expérience sur l’attente. Votre phrase :  » Je suis seulement sorti de la passivité… » a fort résonné en moi. Effectivement plus nous devenons auteur, plus nous donnons, plus nous éloignons de l’attente et de la dépendance même. Quand on s’habitue à l’attente, nous sombrons dans l’aliénation et nous perdons même nos actes gratuits, nous faisons de nous des personnes assistées. C’est mon minimum d’expérience dans mon chemin d’autonomie affective et dans mon chemin de libération intérieure qui m’ont appris cela

    1. Merci pour ce témoignage. L’attente peut en effet amener à un repli sur soi, comme l’escargot dans sa coquille qui ne communique plus, ne déploie plus ses antennes….
      Mais vous avez les clés du chemin de la libération intérieure, c’est l’essentiel. Bonne suite sur ce chemin.

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