Imaginons… Nous n’écririons pas. Nous serions privés de ce moyen d’expression. Il y aurait des livres, des journaux, des textes, mais écrits par d’autres. Nous, nous serions sans la possibilité de prendre une feuille et un stylo ou de nous mettre devant un ordinateur pour écrire. Ni cartes postales, ni vœux, ni lettres d’amour ou de partage, rien. Rien qui serait mis en forme pour nous dire, dire les mots qui à l’intérieur de nous attendent pour voir le jour. Bien sûr cela s’appliquerait à la formation PRH. Les stages, les groupes de suivi, toute la part écrite de la formation n’existerait pas. Les animateurs animeraient et les participants participeraient mais sans le temps de silence et de recherche personnelle, sans ce face à face avec soi-même durant lequel au-dedans de soi se fait la rencontre avec son vécu plus ou moins conscient, où les mots viennent nous dire ce que nous avons besoin de savoir sur nous-mêmes. Ce serait la parole à laquelle manquerait la profondeur de l’analyse et, sans doute, des éclairs de neuf qui peuvent surgir dans le cœur à cœur avec soi. Quel manque ! Tant pour les écrits ordonnés à la communication que pour ceux centrés sur la connaissance de soi. Il y a eu un jour où écrire est devenu une nécessité, l’homme a pris un calame, une tablette d’argile et a gravé des signes. Ces signes avaient un sens et une utilité. Il s’agissait alors de noter ce qui était important pour le commerce puis peu à peu ce qui faisait l’Histoire.
Dans notre monde qui nous pousse à aller toujours plus vite, écrire, même un SMS, demande que l’on se pose un minimum et l’on conscientise ce que l’on souhaite exprimer. La parole jaillit de façon parfois incontrôlée et pas toujours heureuse, écrire nous donne la possibilité de ne pas nous laisser aller à une spontanéité désajustée. Pour certains (beaucoup ?) c’est rude. Des apprentissages mal accompagnés, des indiscrétions à l’égard d’un journal d’adolescent, l’idée que c’est réservé à d’autres plus lettrés, doués, instruits… et la fameuse angoisse de la page blanche surgit qui vient empêcher les mots de se dire. La confiance peut se gagner par un travail sur ce qui fait obstacle et par l’exercice humble et renouvelé. L’écriture possède des atouts irremplaçables. Préciser ce que l’on vit. Ordonner sa pensée. Creuser une sensation qui nous interroge. Mettre des mots sur du flou. Démêler un état intérieur confus. Se préparer à une réunion ou une rencontre importante. Autant d’applications personnelles de cette pratique. Quant à ses atouts relationnels ils ne manquent pas même si les formes de l’écrit ont changé, exprimer un merci, faire une demande ou donner une réponse, envoyer de ses nouvelles, faire une mise au clair, contribuer à un blog, partager une émotion… Et puis, avoir écrit permet de laisser une trace que nous pouvons relire… Relire des lettres d’amour, pas mal non ? Et des analyses personnelles, quel bonheur de percevoir le chemin parcouru. Sans parler des écrits destinés à la transmission pour les siens. Etre privé de la capacité d’écrire serait déshumanisant tant écrire peut rapprocher de soi et des autres donc faire grandir la vie en soi et dans la relation. Comme le dit Gilles Deleuze : « Ecrire n’a pas sa fin en soi-même…le but de l’écriture c’est de porter la vie en dehors de soi-même. »
Martine Mangin, formatrice agréée PRH
Merci , Martine
Pour moi l’écriture a été un long chemin de questionnement intérieur avec une difficulté , même par moment une impossibilité de me dire a moi même , poser sur le papier ce que je vis. Cela devient indispensable aujourd’hui pour moi de poser sur le papier ce qui se passe en mots . l’écriture me fait découvrir la richesse des mots et leurs utilité dans toute les secteurs de vie . Merci de cette finesse décrite qui me donne un espace plus grand a exploiter.
Merci Martine pour cet article qui me rejoint profondément. Il y a eu l’âge de la préhistoire. mais écrire et surtout ce processus interne préalable à la mise en mots est un acte fondamental qui nous humanise.
Je viens de trier la bibliothèque d’un vieil oncle décédé, pas moins de 10.000 livres de toutes sortes, art, roman, actualité, essai, philosophie, grands et petits écrivains … Ce vieil oncle était très fier de son activité professionnelle, il fabriquait du papier pour permettre l’édition de tous ces livres, ceci explique cela ! Et de surcroît il s’appelait Forest, ancien mot de forêt ! Pendant que je classais ces livres produits sur une centaine d’années, je prenais conscience des efforts persévérants de tous ces écrivains mais aussi du coté éphémère de ces ouvrages, il faut le dire parfois dépassés par la vitesse prodigieuse de notre temps. Une vie entière ne suffirait pas à les lire et à en tirer la quintessence. Et je me disais, moi qui ait des velléités d’écrire sur l’eblouissement d’être vivant et réfléchis même au plan de ce livre : si j’écris, c’est d’abord pour moi et mes très proches, pour mettre mes idées au clair et transmettre une vibration de vie infime autour de moi, vibration qui trouvera sans doute son relai dans les temps futurs dans d’autres livres numérisés ? Peut être mais ce n’est pas certain. Oui on écrit d’abord pour soi et c’est devenu pour moi incontournable, je suis ainsi devenu mon plus subtile et bienveillant lecteur … Mais aussi mon plus sérieux lecteur lorsque je constate certaines de mes incohérences et contradictions.
Martine,
en lisant ton article je prends conscience du chemin parcouru.
Je me souviens combien le travail d’écriture m’était pénible quand enfant j’avais une rédaction à faire, ou plus tard quand je devrais préparer une dissertation.
Aujourd’hui, j’ai appris l’importance de trouver le mot juste pour décrire une sensation ; j’ai alors en moi une profonde sensation d’existence et d’émerveillement.
Que de portes ouvertes de mon intériorité, que de découvertes d’espace que je ne soupçonnais pas! J’apprécie de plus en plus l’écriture à tel point que je participe à des ateliers d’écriture qui me permettent aujourd’hui de jouer avec les mots.
Oui l’écriture est fondamental pour l’Homme!
Merci Martine pour cette réflexion.
Quel bonheur que ce « pouvoir écrire »!
Trouver le mot qui coïncide le plus précisément avec ce qui est là en nous, trouver le mot, la phrase qui va dire la musique , le rythme, celui de notre « vibration » intime qui veut chanter, danser parfois, une manière d’oser exister, se sentir vivant de ce qui bouge en nous, une manière d’apparaître, de se donner à lire, s’offrir pour mieux communiquer, donner et recevoir, le mot toujours pour aller plus loin encore…
merci Martine de nous inviter ainsi à prendre soin, au-delà de nos freins ou inhibitions, de cette précieuse capacité à dire, que nous avons tous…
Nicole Langlois-Meurinne
Bonjour,
C’est vrai que l’écrit est un formidable moyen pour communiquer et communiquer à un grand nombre. Adolescente, ce que je ne pouvais pas dire, paralysée par mes peurs, je pouvais l’écrire.
Je pense à tous ceux et celles qui ont de la difficulté pour écrire ou ne savent pas écrire, d’autres moyens d’expression sont là pour transmettre leur ressenti, à travers des expressions graphiques, corporelles, à travers la parole, la relation à l’autre.
Des formations PRH n’ont elles pas été données à des personnes analphabètes ?
Oui, Nadine les analphabètes du porte-plume, ne le sont pas du cœur ! J’ai eu la chance de pouvoir le constater dans la brousse de Centrafrique où nous avons Bello et moi, animé des stages PRH, pendant plus de 20 ans.
Ces gens ‘privés d’écriture’ ont des antennes pour ‘épingler’ ce qu’ils vivent… Il suffit d’un conte, (tel le conte de ‘Moniko la chercheuse d’eau’ qui ouvre à la réalité du « cœur profond » (entendez : l’être), ou d’une petite histoire mimée, et toc, les voilà plongeant au creux d’eux-mêmes et viennent en partage, les images, les métaphores… « mon profond, c’est comme le soleil qui se lève sur la brousse » ou « une partie de mon cœur ne va pas, c’est comme une calebasse percée qui ne garde pas l’eau, mon cœur, ne garde pas l’amour » « je ne peux pas laisser mon cœur sur l’amour » (je ne crois pas à l’amour).
Aucune réalité n’échappe à leur radar intérieur, à leur finesse pour décrire en langage concret, images, symboles, ce qui bouge en eux ; ainsi vont-ils identifier l’égocentrisme : « ça c’est la part de moi qui dit ‘moi d’abord’- ‘moi tout seul’ » « il veut être le roi » etc..
Le Baba Joseph, un vieux du village où nous vivions s’est adressé à un groupe de jeunes et d’adultes qui échangeaient sur : ‘comment est fait le cœur de l’homme’. « Je vais vous dire, moi, comment il est le cœur de l’homme. Il y a le cœur du dessus. Celui-là il râle tout le temps, il a plein de mauvais désirs. Mais il y a le cœur du dessous. Celui-là il dit au cœur du dessus : ‘Tais-toi !’. Si tu écoutes bien ce ‘Tais-toi’, tu feras frère avec tous les hommes, tu ne seras jamais l’esclave de personne. »
Nous pouvions remballer nos analyses écrites !
Par le moyen simple des scénettes, de la peinture.. la parole se délivrait : « regarde, depuis que je connais mon cœur profond, je peux parler à un homme, n’importe lequel en le regardant dans les yeux : le gendarme peut venir, le Pape, le Président de la République… » (entendez : j’ai grandi, je n’ai plus peur, plus honte)..
Un jour à l’issue d’un stage, une jeune fille du fin fond du pays où nous semblait-il, ne pouvaient habiter que les lions, nous a dit « qui est cet homme, qui connaît si bien mon cœur ? » Elle m’a demandé de remercier André Rochais !
Votre article,Martine,résonne très fort en moi,tant ce verbe « ECRIRE »me met en joie et en même temps est source d’inconnu…
Joie d’avoir accompagné des générations d’enfants dans leurs étapes d’écriture,une manière de grandir où chaque forme d’écrit était un nouveau défi, une manière d’être présent à eux mêmes et au monde.L’enfant impatient d’écrire découvre qu’il faut apprendre.Il faut du courage pour entrer dans l’écrit:apprendre à poser correctement la main sur le papier,tenir le crayon comme il faut,apprendre à maîtriser le geste…
Source d’inconnu dans la transmission pour essayer de communiquer du plaisir à écrire des mots,à surmonter l’obstacle pour ,dès les premiers écrits ,en faire un outil de communication comme ce petit poème pour la fête des mamans,cette invitation à la classe d’à côté, cette affiche pour les portes ouvertes. ..
Que d’expériences liées à l’écrit où j’ai semé …pour des récoltes inconnues!
De manière plus personnelle,écrire sur ce blog a été une étape pour moi:se livrer à la lecture d’un autre que je ne connais pas, m’affirmer dans ce qui me touche et le partager,cela demande du courage pour se dire,mais c’est une source de joie de poser un acte d’existence.
Avec Prh,la découverte de l’analyse ,m’a permis de vivre une autre facette de l’écrit, ECRIRE »POUR sortir des zones d’ombre de ma VIE, c’est précieux, et au quotidien une belle « alliée qui se vit dans « mes carnets de voyage intérieur »…
Merci ,Martine pour cet article si riche de résonances en moi…porter la vie en dehors de moi-même!
Françoise
Quelle question surprenante et pertinente ! j’ai du mal à m’imaginer sans pouvoir écrire. Ce qui me vient, c’est que je me sentirais mutilée. Amputée d’une part de moi qui me permet d’oser.
A l’écrit, plus qu’à l’oral, je peux être moi. Devant la sécurité de la page, sans regard extérieur, je peux me dire, me comprendre, me découvrir. Je peux m’aventurer sur des chemins qui ne me seraient pas accessibles à l’oral. Souvent, avant de parler à quelqu’un, j’écris. Cela me permet de voir plus clair, de prendre de l’assurance avant de m’exprimer.
Et parfois, ce que j’ose écrire pour moi, j’ose le partager, et quand mes mots rejoignent les autres, je remercie cette forme d’expression qui m’aide à exister face aux autres.
Merci Martine de m’avoir, permis de mesurer combien l’écriture est précieuse pour moi.
Marie-Pierre