Au-delà de la forte mobilisation qui a suivi les événements tragiques du début d’année, je suis resté avec cette question « Que faire pour que cela ne se reproduise plus ? ». Ne pas y répondre, c’est prendre le risque de rester avec la sensation d’être balloté par des forces de mort que rien ni personne ne pourrait arrêter ou contrebalancer.
Ces derniers temps, en guise de réponse, c’est la phrase célèbre de Gandhi qui m’est souvent revenue : « Sois toi-même le changement que tu souhaites pour le monde ! ».
C’est dans cet esprit que deux pistes d’avancée (parmi d’autres…) me sont apparues :
- Oser aller à la rencontre de l’autre différent de moi. Chaque fois que j’enferme l’autre dans des grilles de lectures religieuses ou idéologiques, je le condamne sans le connaître vraiment. Chaque fois que mes peurs me tiennent à distance de lui, je perds une occasion de le rencontrer. Quand je dis cela, je pense à l’autre très proche de moi : le cousin de ma famille dont je ne partage pas les choix politiques, le SDF qui collecte quelques pièces au carrefour sur la route de mon travail, le stagiaire de confession musulmane que je rencontre dans l’un de mes stages… Et j’ajoute : « aller à la rencontre de ce qu’il y a de plus humain en lui ». Nos différences culturelles nous éloignent souvent et c’est normal puisqu’elles sont le reflet d’une culture singulière qui nous a façonnés. Mais il est possible de nous rencontrer à un autre niveau : celui de nos sentiments heureux ou douloureux, nos aspirations profondes, notre relation « expérientielle » à une Transcendance, quel que soit le nom qu’on lui donne… L’autre si différent de moi peut alors devenir compagnon d’humanité en dépit de tout ce qui nous sépare…
Apprendre à m’affirmer en homme/femme de paix, à partir d’un lieu de moi qui n’est pas un lieu d’affrontement, de soumission ou de domination, de peur ou d’envie de revanche… : le lieu de l’être comme nous le nommons à PRH. Début Février, nous étions une centaine à chercher ensemble lors d’une conférence organisée à Lille « comment s’affirmer sans tout casser ?»… A quelques mois des événements de janvier, ce thème avait un retentissement particulier. Et je crois profondément que l’enjeu est de taille : c’est dans nos relations ordinaires, dans nos familles, nos groupes professionnels, nos associations que nous construisons (ou pas) un monde de paix. Le chemin pour accéder au noyau solide et positif de notre personnalité, existe. Il est de notre responsabilité d’apprendre à le connaître, à nous y référer plus consciemment pour agir. C’est ce chemin que de nombreux stages PRH nous apprennent à fréquenter, pour plus de compréhension et de fraternité avec l’autre différent de nous.
Jean-Michel Anot, formateur agréé PRH
Merci Jean-Michel pour cet article,
Le lendemain des derniers évènements de Janvier, je profitais d’un trajet en voiture pour écouter la radio. J’y entendais un musulman exprimer combien il était contrarié que sa religion soit utilisée par ce que l’on nomme les « djihadistes ».
(Et, ce faisant, on participe à cette même récupération déplorée pour justifier des actes meurtriers s’opposant à la religion dont l’étymologie montre qu’elle à pour objet de relier.)
Il expliquait que le djihad, dans sons sens originel, contrairement à celui projeté à l’extérieur que prônent les terroristes, est une lutte intérieure dont l’objectif est de mettre fin aux dérives de l’égo.
J’y ai entendu aussi que la religion musulmane invitait au vivre ensemble, très inscrit dans sa culture.
Et tout cela m’a donné envie de m’intéresser à cette culture que je ne connais pas, aux personnes qui y sont baignées et la font vivre, à créer du lien avec eux. Et puis j’ai repris le cours de ma vie ….
Et pas plus tard qu’hier je suis passé à un carrefour ou était indiquée la mosquée, ce qui me remettait en lien avec cet élan qui m’était venu.
Aujourd’hui, je reçois le lien vers cet article et j’y perçois une nouvelle invitation.
Oui, la paix se construit à l’intérieur de soi et dans nos relations habituelles. Et si elle se construisait aussi pas ces élans d’aller à la rencontre de personnes que je ne connais pas encore et de leurs cultures et religions ?…
Car les religions, au-delà de la culture dans lequelles elle ont pris naissance, n’ont-elles pas la même intention, ne prônent-elles pas des valeurs communes dont leurs interprétations peuvent nous éloigner ou qu’elle peuvent même déformer au point d’aller à l’encontre des leurs intentions ? N’est-ce pas à cela que l’on assiste à travers ces évènements tragiques. Et si nous arrêtions d’interpréter pour nous laisser découvrir ce qui nous relient, ce qui nous rejoint en l’autre ?
Je rêve du jour ou toutes les religions donneraient la priorité à ce qui relie par rapport à ce qui sépare et que les différences ne soient plus motif de séparation mais d’enrichissement mutuel.
Et j’aimerais y oeuvrer. Et mon premier pas pour aller vers cette oeuvre sera d’écouter cet élan en moi d’aller à la rencontre de musulmans, de leur culture. Peut-être que mon partage pourra inspirer d’autres personnes à faire leurs petits pas de paix. Merci de m’avoir rappelé ceux que j’ai à faire par cet article pour devenir moi aussi artisan de paix.
Bien cordialement,
François
Merci de votre retour François. J’y réponds bien tard, mais l’écho suscité par mon article me conforte dans l’idée que la rencontre et la recherche de compréhension mutuelle dans le domaine interculturel et interreligieux sont essentielles. Bonnes et belles rencontres!
Jean Michel
Plus nous apprenons à nous connaître, avec nos valeurs et nos limites, plus nous découvrons nos peurs et les dépassons, plus nous nous acceptons et nous nous aimons,et plus alors nous acceptons et aimons l’autre dans ses valeurs et ses limites. C’est quelque chose que j’expérimente de plus en plus en avançant et qui est une grande libération, une grande force d’amour. Nos différences sont force et ouverture et nous font grandir.Par l’empathie je rejoins l’autre dans ce qu’il a de profond et j’accède en même temps à la profondeur de mon coeur.
Je suis donc en plein accord avec ce que vous dites, d’autant que PRH m’a été d’une grande aide dans le début de mon chemin.
Je ne vous suis par contre pas quand vous mettez ce thème en lien avec ce qui s’est passé avec Charlie Hebdo. D’une part ce journal est le stéréotype de l’agression, de la moquerie, du non respect sous couvert d’humour et de liberté, d’autre part on aborde là le sujet de l’islam. Il est plus facile de construire un monde de paix lorsque nous sommes dans un esprit judéo-chrétien (de notre époque) car il faut savoir que l’islam a pour raison d’être de remplacer le christianisme qui pour lui est pervertit et de rendre le monde musulman. (ce que les chrétiens faisaient lors des croisades) Ceci est la fierté d’un musulman. Il faut savoir que le coran dit : les chrétiens sont des égarés, des impies, des impurs, il ne faut pas s’en approcher. Un musulman est « formaté » pour rejeter la foi chrétienne. Il faut savoir qu’on ne peut pas sortir de l’islam, il y a droit de mort sur toute personne qui sort de l’islam. (soucrate 4 v89 et soucrate 8 v12 à 17).
En tant que chrétienne tout musulman est mon frère. En tant que personne humaine à la recherche de son Etre profond et en relation d’être à l’autre, j’apprends à m’affirmer dans le respect de l’autre, et PRH propose des stages passionnants pour cela. Oui « le chemin pour accéder au noyau solide et positif de notre personnalité, existe et oui il est de notre responsabilité d’apprendre à le connaître, à nous y référer plus consciemment pour agir ». Ceci a été une grande libération pour moi et une profonde guérison de ma dépression mais cela n’empêchera pas que les événements de janvier se reproduisent car hélas, à cause des religions toute le monde n’a pas cet état d’esprit.
Merci de votre retour Caroline. J’ai bien conscience que cet effort de compréhension mutuelle ne peut suffire à éradiquer toutes les formes de violence, d’où qu’elles viennent. Mais je me situais dans une démarche plus globale. J’ose croire que plus nous serons nombreux à vivre cette recherche de compréhension mutuelle, plus celle-ci sera contagieuse et changera le monde… progressivement!
Jean Michel
Jean-Michel, ton article me rejoint de manière très profonde et éclaire ma matinée. Les événements tragiques de janvier, ceux qui ne cessent de surgir dans d’autres pays du monde que le nôtre, avec la même violence, font monter en moi la conviction que dénoncer ne suffit pas. Et puis dénoncer quoi ? Les points de vue « d’en haut » sont scabreux, et les analyses que nous entendons, si elles nous éclairent, donnent un point de vue parcellaire du réel. Nous pouvons aussi être tentés de dire, il y a « eux », et puis il y a « nous ». Alors, je cherche, comme j’ai toujours cherché, le point d’ancrage pour avancer avec tout cela. Et je partage ce que tu énonces par le biais de Gandhi, et que PRH s’attache à proposer : le changement du monde passe par le changement de soi. J’y crois par ce que j’en fais l’expérience, amarrée aux petits pas posés les après les autres, les uns avec les autres. La paix comme objectif, la paix comme chemin, la paix dès maintenant, à commencer par la paix avec soi et ceux qui nous entourent dans notre tout simple quotidien !
Merci Hélène! Oui, je crois moi aussi que ce chemin de paix commence à l’intérieur de nous-mêmes et qu’il est contagieux. Posons nos petits pas l’un après l’autre, même si nous n’en voyons pas toujours l’impact!
Jean michel
En effet, comment devenir « ce compagnond’humanité »?
Ce comment m’a conduite à revisiter Rosenberg et la CNV, la communication non violente.
Comme ARochais, Rosenberg a été nourri par Rogers, ils sont devenus les uns et les autres passeurs d’humanité.
Le fameux « je me sens », sensé communiquer à l’autre mes émotions, n’est souvent qu’une attaque déguisée
qui balance en langage chacal : »je me sens agressée, trahie, abandonnée…blessées PAR toi ».
ARochais a introduit de manière si féconde la différence entre le besoin en creux, le manque blessé et le besoin « naturel ». Il nou aide à ne pas confondre le déclencheur avec la cause.
Il nous aide à identifier les besoins de chacune de nos instances, rejoindre ainsi les aspirations de notre être et de notre conscience profonde: pouvoir de la sorte, face à l’autre, faire une demande précise qui ne soit, ni accusation, ni contrôle,
ni exigeance culpabilisante.
« Quand je te vois fumer de la sorte, je me sens triste, préoccupée et inquiète pour ta santé: j’aimerais tlement que notre relation puisse longtemps durer! »Parler le langage « girafe », le langage du cœur, « oser la bienveillance »
implique donc de nous rendre plus attentifs, plus conscients, jusqu’aux mots que nous choisissons, pour transformer notre langage chacal en langage girafe…
Devenir ainsi humblement des passeurs d’un »plus d’humanisation » et de Paix.
NicoleLanglois-Meurinne.
Merci Nicole! Il est juste de rendre hommage à ces pionniers de la communication non-violente tels que André Rochais et M. Rosenberg qui nous invitent à faire preuve de cette lucidité sur nous-mêmes et à nous dire simplement dans nos besoins ou aspirations… Il y a bien du chemin à parcourir pour que ces outils se généralisent, mais cela vaut la peine!
Jean Michel
Ce qui me parle dans ce témoignage, c’est l’image d’une fourmi à l’action pour réaliser tout cela, dans les toutes petites choses du quotidien et qui contribue à une grande chose: une construction solide vers la Paix. Merci Jean-Michel
Oui, Marie-Véronique. j’aime cette image de la fourmi à l’action… Quand on regarde les réalisations que savent construire les fourmis et l’intelligence discrète de leur collectif, on peut croire à l’impact de telles actions!
Jean michel
Voici ce que m’inspire la phrase de Gandhi Sois toi-même le changement que tu souhaites pour le monde :
L’autre est déjà différent de moi, par le fait qu’il ne connaît pas la formation prh et son système explicatif. Me sentant profondément, et heureusement, façonnée par la formation prh, je peux être tentée d’user de prosélytisme auprès d’un proche (ou d’un moins proche) pour lui dire ce qui a CHANGE en moi. Mais alors, en faisant pression sur lui par mon enthousiasme, je ne contribue pas à la paix. Ai-je vraiment CHANGE ?
Par contre, si je choisis de me faire plus proche de lui, en étant à l’écoute de ce qui va me sembler être une brèche, ou une petite fente, par laquelle s’échappe un regret, une insatisfaction dont je perçois le secret, une question qui ne se résout pas en lui… J’affine la connaissance que j’ai de lui, pour le rejoindre là où il ne s’est pas encore rejoint lui-même, mais où il se sent rejoint par moi. Je lui accorde en quelque sorte le droit de ME CHANGER. Le dialogue peut alors s’instaurer, la paix gagner du terrain.
Il se peut cependant que l’autre reste fermé à mon désir de rapprochement. En cherchant à respecter sa position, et en me laissant interroger par ce qui me semble être une fermeture de sa part, je peux peut-être percevoir chez lui une difficulté à s’ouvrir, voire une souffrance de ne pouvoir le faire. Je crois fermement que ce CHANGEMENT de regard est déjà un pas vers la paix.
Anne
Merci Anne de nous rappeler cette subtile nuance. En partageant ce qui a changé en moi, je peux aussi, parfois, exercer une forme de pression sur l’autre. Vous nous rappelez que l’attitude de recherche de compréhension de l’autre doit s’accompagner du respect profond de sa liberté!
l’ouverture a l,autre pleinement sans grille de lecture c.est un travail de bonne haleine, mais qui demande un travail personnelle sur soi et beaucoup de passion ce mener par l’amour gratuit, l’accueille et,l’acceptation de l’autre
Merci de votre retour Safia. Oui, je partage votre point de vue: cette ouverture, cette recherche de compréhension doivent s’adosser à cette capacité d’accueil et d’amour gratuit. C’est pourquoi la croissance en maturité affective est l’un des objectifs de la formation PRH!
jean Michel