A l’occasion de la sortie de la Lettre PRH n°42-43 consacrée à l’analyse de sensations PRH, nous vous proposons ci-dessous un entretien avec Michel Lamarche, principal rédacteur du livre « un chemin d’accès à la vie en profondeur ».
- Quand on analyse ses sensations, est-ce qu’on le fait avec son « mental » ? Quelle différence avec ce que l’on connaît de soi ?
Les fonctions du mental, c’est de penser, réfléchir, raisonner, déduire, prévoir, interpréter, calculer, imaginer, mémoriser, faire appel à sa mémoire, etc. Ce ne sont pas ces fonctions qui sont sollicitées pour analyser son vécu. L’analyse PRH fait appel à une fonction très spécifique de l’intelligence, celle de nommer avec exactitude ce que l’on ressent ici et maintenant et de suivre au plus près le contenu de la sensation pour le décrypter. L’intelligence fonctionne alors en prise directe avec la sensation vivante en cherchant à s’extraire de tout ce que le mental pourrait lui suggérer à propos de la sensation : interprétations, préjugés, idées, diagnostics …
Ce que l’on connaît de soi appartient à notre mémoire et n’est pas forcément relié à une sensation vivante (ce peut être un cliché véhiculé par l’entourage et que l’on s’est approprié ou simplement un souvenir de sensation), ce que l’on ressent appartient à l’expérience immédiate. On ne s’analyse pas à partir de ce que l’on connaît de soi, mais en laissant vivre une sensation présente et en cherchant les mots justes qui la décrivent.
- Est-ce que le corps est pris en compte dans l’analyse ?
Pour moi, c’est plus qu’être pris en compte. Le corps est totalement impliqué dans le travail d’analyse. La sensation à contenu psychologique a toujours une résonance corporelle qui en signe la présence. Tout au long de l’analyse, c’est en maintenant sans cesse son attention sur le vécu du corps que l’on est le plus sûr de suivre sa sensation. Quand il nous arrive de décoller de la sensation, c’est en revenant à ce que l’on ressent physiquement que l’on retrouve la trace de sa sensation. Notre corps nous introduit et nous ramène sans cesse à notre vérité, ses sensations sont indépendantes de notre vouloir. Il est essentiel pour l’analyse.
- Analyser son ressenti, ça relève de l’affectivité ? de la sensibilité ?
Analyser son ressenti relève de l’intelligence. Analyser est un acte du moi-je. En revanche, ce qui est analysé (émois, sentiments, sensations …) relève de l’affectivité ou de la sensibilité, mais également de l’être (aspirations profondes, sentiments profonds …).
Ceci dit, il est bien évident que l’intelligence est influencée et parfois conditionnée par l’affectivité ou par la sensibilité, notamment les peurs et les envies. Elle cherche inconsciemment à percevoir ce qui ne va pas trop la déstabiliser, ce qui est agréable à ressentir, elle refoule instinctivement ce qui est désagréable ou douloureux. D’où l’importance d’une vigilance constante quand on s’analyse pour détecter ces mouvements de diversion de sa réalité intérieure et revenir à ce qui est, ce que l’on ressent vraiment.
- Quelle part a l’être profond de la personne dans le processus de l’analyse ?
L’être profond de la personne a une place fondamentale dans le processus d’analyse. C’est l’aspiration à vivre dans la vérité, à croître, à libérer tout son potentiel qui motive le travail de l’analyse. C’est dans l’être que la personne va puiser les motivations les plus fortes pour affronter le confort immédiat que peuvent apporter l’inconscience, l’indifférenciation, la fuite de soi. Toute la finalité du processus de l’analyse est focalisée sur la conscience et la libération de ce meilleur de nous-même.
- L’analyse de sensations, c’est un travail solitaire. Et pourtant, l’autre a un rôle, a une place. Pouvez-vous la décrire ?
Nous sommes effectivement seul dans ce face à face intérieur avec la vérité de nos sentiments, de nos sensations, de nos émotions, de nos souffrances. Mais la parole qui surgit peu à peu de l’analyse de nos sensations tire grand profit à s’exprimer à quelqu’un qui écoute avec bienveillance et discernement. Et ceci, pour trois raisons principales : la première, c’est que le fait d’exprimer à autrui ce que nous mettons en mots provoque de nouvelles prises de conscience dans la continuité de celles amorcées par le travail solitaire ; la seconde, c’est que la personne qui écoute, surtout si elle a une formation à l’écoute, va pouvoir réagir, faire miroir, questionner, pointer l’un ou l’autre mot particulièrement chargé ou discordant, et par là aide aussi à aller plus loin.
Enfin, troisième raison : le regard d’un autre, c’est forcément une perception différente, convergente ou divergente. L’autre n’est pas impliqué comme soi dans les sensations analysées. Cette altérité révèle souvent ce qu’on ne peut soi-même percevoir et enrichit celui qui s’analyse de cet autre angle de vue.
Ainsi, l’autre a un rôle de facilitateur, parfois même de révélateur, un rôle d’ajustement à la réalité et d’approfondissement.
Par ailleurs, l’autre peut être aussi celui ou celle qui analyse également son vécu et qui nous le partage (par exemple au cours d’un stage). Par la recherche humble de sa vérité, l’autre exerce un rôle très stimulant et éclairant pour notre propre travail sur nous-même.