Libres propos sur ces temps de violence

Comme moi, sans doute, avez-vous le cœur brisé par la mort de Nahel, par la douleur de ses proches, par ces jeunes un peu partout dans notre pays, dont rien ne semble pouvoir stopper la rage destructrice.

Peut-être aussi avez-vous le cœur brisé par le désarroi, l’effroi et l’épuisement des maires, des travailleurs sociaux et de tous ceux qui, tant bien que mal, font ce qu’ils peuvent pour tisser du lien social.

Peut- être encore, comme moi, avez-vous le cœur broyé par cet homme qui a commis l’irréparable.

Comme moi, sans doute, vous entendez le cri de certains joueurs de foot, celui aussi des mères et grand-mères, peut être celui de la CRCF ( Conférence des responsables de cultes français)

Celui aussi, déchirant, de Nadia, la grand-mère de Nahel.

Tous crient haut et fort le non-sens absolu de la violence.

Tous, à leur manière, crient également haut et fort que l’injustice creuse le lit de la violence.

Tous cherchent un chemin.

Et nous, à PRH, formateurs et collaborateurs, que disons-nous ?

Nous disons que le chemin de l’être, pour difficile qu’il soit parfois à trouver, est un chemin possible de vie même dans l’horreur.

Alors, bien sûr, comme nous avons appris à le faire, je nous engage à accueillir nos sentiments devant ces événements tragiques : sentiments de peur, d’angoisse et de colère ou autres. Nos jugements aussi, qui sont bien souvent à l’emporte-pièce. Oui, accueillons ces vécus intérieurs sans oublier qu’ils n’épuiseront jamais le sens du réel ni celui de notre histoire collective.

Accueillons-les en étant lucides sur le bruit assourdissant qu’ils font, nous rendant ainsi sourds aux frémissements inédits de notre être.

Pourquoi les accueillir ? Parce que vivre cela, c’est nous offrir la chance de guérir notre surdité et d’enfin entendre les chemins qui s’ouvrent sans bruit.

André Rochais, le fondateur de PRH nous a toujours invités à poser un regard profond sur les personnes, un regard qui ne les réduit pas à leurs dysfonctionnements, aussi graves qu’ils soient.

Alors mes amis, c’est aujourd’hui le temps favorable pour nous entraîner collectivement à l’audace de ce regard insensé, qui peut transformer et relever toute personne.

Une autre psychopédagogie, connue sous le nom des Accords toltèques, nous exhorte à la même dynamique relationnelle avec les mots suivants : « Dans nos relations, ayons toujours une parole impeccable ! »

Alors cet été, que je nous souhaite reposant et heureux, je nous invite à vivre avec tous ceux que nous croiserons ce que j’aime à nommer « l’hospitalité intérieure généreuse ». C’est très difficile à vivre et chaque jour nous retomberons vingt fois dans nos travers jugeants et clivants. Alors interpellons-nous, soyons solidaires d’une croissance collective !

Je me souviens, il y a quelques années, au temps où le sida faisait des ravages, du slogan : « le sida ne passera pas par moi ». Je voudrais qu’aujourd’hui, ensemble, nous disions ou plutôt nous vivions : « la violence ne passera pas par moi ».

Et que nous osions nous engager dans toutes nos relations, dans tous nos cercles de vie, dans les embouteillages, le métro, les files d’attentes et tous les lieux que j’oublie… pour l’émergence d’une humanité fraternelle.

Sylvie Grolleau, pour les formateurs et les collaborateurs PRH

8 commentaires sur « Libres propos sur ces temps de violence »

  1. Merci beaucoup Sylvie pour ce beau texte courageux et la prise de parole de prh sur ces événements douloureux . Qu ‘il est difficile d’ accueillir l’injustice sans violence et de savoir qu’en faire sans s’y résigner non plus.

  2. Le poète québécois Gilles Vigneault disait finement: « La violence est un manque de vocabulaire ». Trouvons le vocabulaire qui rassemble et bâtit des ponts.

  3. Merci Sylvie pour ta parole qui résonne si profondément en moi. Oui, merci d’avoir pris la plume, (ou l’ordi), pour dire cette vérité si simple, si essentielle, une vérité qui nous engage chacun, une vérité toujours en danger d’être étouffée, négligée, oubliée

  4. Merci Sylvie pour ton partage fait de sincérité et d’espérance.
    Oui je me sens touchée par la violence que je ressens jusque dans nos familles !
    Nous nous divisons pour des idées, pour des rancunes anciennes !
    Et toutes ces colères exprimées ou rentrées nous renvoient à nos manques !
    De quoi manquons nous ou de quoi avons-nous manqué ?
    Il y a deux jours j’ai vu une de ces belles personnes que l’on a la chance de rencontrer et elle m’ a partagé une Parole qu’elle a reçu : « va vers toi »
    Oui cette Parole je la sens juste pour chacun et chacune d’entre nous.
    Car malgré nos blessures, nos manques nous pouvons avancer sur notre chemin d’humanité en allant vers nous, vers ce centre de nous, cette profondeur qui permet de sortir des émotions vécues de façon disproportionnées et, de poser des actes en conscience pour le bien de chacun, de chacune.
    Ma responsabilité aujourd’hui c’est de rester en lien avec ma profondeur, cet endroit paisible et accueillant en moi , qui peut ma permettre de donner une Parole juste et ajustée pour ne pas rajouter de la violence à la violence !
    Bel été à chacun et chacune,
    Anne-Marie

  5. Merci… je peux sentir la nécessité de « tendre une perche », comme le maître nageur de mon enfance, à mon semblable, mon prochain, là où je suis, aujourd’hui, dans mon contexte.

  6. Merci beaucoup; Sylvie, pour avoir su mettre des mots justes, bien sentis sur ce que vous éprouvez à propos de cette violence qui s’est déferlée. Comme une vague inarrêtable qui fait peur. Ce que vous avez écrit me touche et m’apaise. Oui, nous avons le pouvoir de ne pas laisser la violence s’emparer de nous et nous traverser. Relisons les magnifiques écrits de M L King. Il a »choisi » de laisser sa vie , de ne pas céder à la violence. Le chemin existe mais, évidemment, il est très difficile. Bel été à tous !

  7. Comme il est en effet difficile, délicat et surtout douloureux d’aborder ce sujet où moult interprétations sont sinon possibles, mais évoquées. Sur l’exemple donné ici, nous pointons du doigt l’un des nombreux effets d’un dysfonctionnement beaucoup plus global et qui remonte à un certain temps dans notre beau pays, malheureusement. Facile à dire, mais il serait sans doute utile que nous nous penchions, alors que nous sommes adeptes et pratiquants des préceptes qu’André ROCHAIS a bien voulu nous léguer, sur les pensées et les agissements bienveillants y afférents que nous devons adopter et généraliser dans les communautés d’êtres humains. Comme je trouve difficile pour les femmes et les hommes de notre époque d’avoir le courage de parler d’Amour, simplement. Et pourtant, il faudra bien nous résoudre à passer le cap si nous voulons vraiment reprendre notre chemin.
    « Les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie ». Carl Gustav JUNG – 1875-1961

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