Nos îlots d’humanité, rêverie ou vraie vie ?

Le rideau se lève, l’émotion se répand dans la salle, palpable, gonfle nos cœurs, nous retenons notre souffle….

Une farandole de petites danseuses de tous âges apparaît, à l’expression et aux gestes uniques, élans personnifiés, offrant à nos regards émerveillés une variation étonnante de talents et d’aisance plus ou moins assurée se mêlant avec grâce sans jamais altérer l’harmonie d’ensemble. De jeunes adolescentes se risquent à leur premier solo, déclenchant en coulisse une liesse d’encouragements, d’éclats de joie, de captures d’images ou petits films sur Smartphones, une excitation partagée pour la prise d’un tel risque !

Les familles et amis dans la salle guettent l’enfant chéri, la silhouette de ces adolescentes qu’ils ont vu grandir d’année en année, s’émerveillent et se réjouissent du spectacle.

J’accueille en moi cette joie si particulière mêlée d’une foule d’autres sentiments. Je profite de l’obscurité pour laisser mon émotion déborder, incognito. Je soupçonne mes voisins d’en faire autant ! C’est une émotion familière pour l’avoir vécue chaque année au gala de nos filles, et pourtant cette fois-ci étrangement neuve, en ce qu’elle fait naître en moi un questionnement : d’où vient un tel climat de bienveillance, de respect, d’humilité, dans un cadre où l’exigence esthétique et le risque de l’élitisme pourraient régner en maîtres ?

D’où vient que cet îlot d’humanité soit possible ? Qu’est-ce qui a permis cela, malgré les inévitables « petites histoires » entre jeunes, les complexes, la quête éperdue d’identité …?

Le spectacle s’achève sur une dernière scène. A peine visible au cœur d’une ribambelle de danseuses, apparait une petite femme, la soixantaine, d’une douceur et d’une discrétion saisissante, une femme sans qui rien de ce qui se déploie sous nos yeux ne serait possible…

Je la connais depuis de nombreuses années, je l’ai vue travailler avec ardeur. Une professeure de danse sans « rien de particulier », qui consacre toute sa vie non pas tant à la danse qu’à l’épanouissement de ses petites danseuses, tout simplement, du lieu de son amour immense…Je la connais, mais aujourd’hui je la vois et je reconnais. Des paroles d’une vieille chanson de JJ Goldman affleurent à ma mémoire….

Elle y mettait du temps, du talent et du cœur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de celle-ci
Qu’elle changeait la vie…….

La contagion de son humilité, de son authenticité, son accueil inconditionnel, son engagement entier, sa capacité à encourager chacune là où elle en est, à se réjouir du moindre progrès sans jamais comparer ni survaloriser qui que ce soit, sa manière d’être et de vivre a fait son œuvre dans son école de danse.

En vivant pleinement ce qu’elle est, cette femme permet que chacune de ses élèves se sente la bienvenue et vive la danse au meilleur d’elle-même, progressant à son rythme en toute sécurité, recevant une place de choix pour déployer sa part la plus belle.

Nous connaissons cette expérience d’îlot d’humanité dans nos stages PRH. Certains disent « dans la vraie vie nous ne nous serions même pas adressés la parole ». Et voici qu’en vivant ensemble ces attitudes fondamentales que sont la bienveillance et le non jugement, l’authenticité et l’humilité, en vivant l’ouverture à notre réel intérieur et à celui de l’autre, en se rendant attentif au meilleur de soi et au meilleur de l’autre, voici que la magie s’opère ! Il fait bon vivre ensemble, avec nos forces et nos faiblesses, nos différences et notre unicité. Oui, mais qu’en sera-t-il lorsque nous retournerons dans « la vraie vie » ? Questionne une stagiaire. Alors, ces îlots d’humanité que nous créons ensemble, rêverie ou vraie vie ?

Chacun à notre place, loin des beaux discours et des grandes théories, à notre tâche chaque jour, nous avons ce pouvoir inouï de changer la vie.

Charlotte Ghestem,  Formatrice agréée PRH

 

 

 

 

9 commentaires sur « Nos îlots d’humanité, rêverie ou vraie vie ? »

  1. Merci Charlotte pour ce bel article, ce bel hommage à cette prof de danse. Effectivement, je sens vraiment cette bienveillance dans les stages PRH que j’ai pu faire, sans donner de grandes règles, de manière assez naturelle la bienveillance et là, car nous nous montrons tel que nous sommes sans masque. Je crois beaucoup que l’authenticité appelle l’authenticité.

  2. Voir le beau en l’autre, la clé d’une vis transformée et la vraie vie devient vraiment Vie, merci pour ce témoignage Charlotte.
    Personnellement, j’ai été touché par ton regard sur cette femme, par ta reconnaissance, comme l’enfant que j’ai été qui enfin reçoit le regard dont il aurait tant eu besoin en son temps. Merci aussi pour ça aussi : à travers ton témoignage, c’est comme s’il avait reçu, lui aussi, un peu de cette reconnaissance.

  3. Merci beaucoup Charlotte pour ce très beau témoignage …
    Je suis profondément rejointe et encouragée dans mon quotidien en famille, avec mes petits élèves …

  4. Merci beaucoup, Charlotte … je me suis laissée emmener au spectacle dans la contemplation de cette femme … comme c’est beau et bon … Cela me parle et me rejoint vraiment dans le pouvoir inouï de bienveillance qui m’est offert au coeur de mes relations quotidiennes …

  5. ô Charlotte, comme je résonne à ce billet… en plusieurs échos des notes fondamentales qu’il évoque : authenticité, humilité, au pas à pas du concret de chaque jour, et le rayonnement, le fruit visible qui mûrit et se donne… c’est un invitation renouvelée, un appel, une lumière, une balise qui réitère son signal sur ma route et me relie en solidarité.
    Merci de cette joie profonde et contagieuse que tu as su transmettre là.

  6. Bravo pour cet article et merci! Comme il est doux de lire ces quelques lignes et comme il est bon de continuer d’espérer que chaque petit grain de sable apporte sa part d’humanité. Merci.

  7. Merci Charlotte pour ce beau et doux témoignage. Oui notre pouvoir intérieur peut changer l’espace dans lequel nous vivons au quotidien. Le savoir constitué de douceur, d’amour, de la joie du partage, de la bienveillance, de l’encouragement, centrée sur les merveilles qui habitent chacun-e de ces danseuses, me fat vibrer au beau de ce monde. Merci

  8. Magnifique Charlotte. Cela me parle moi qui pratique la danse depuis des années. C’est une passion qui nous transporte. Pour la chanson c’est ma préféré de Goldman.

Répondre à othurotte Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s