Entrée en hiver : accueillons les temps de latence !

Dans les végétaux sous nos latitudes, la sève descendante* vient d’achever son accomplissement ;  l’arbre, la plante, se prêtent à cette saison « d’inertie » avant de puiser les nutriments pour un nouveau cycle de production. (*on désigne ainsi la sève qui est issue du « miracle » de la photosynthèse ; elle ne profite plus aux parties aériennes, mais va à la partie souterraine des racines, à l’automne.) 

Je suis souvent saisie par cette « leçon de la nature » et me sens drôlement en connivence avec la différenciation des temps. Je ne connais pas la croissance comme un mouvement continu, régulier : ni dans ma vie, encore moins dans le processus de création artistique.

En art, je connais des temps d’arrêt intérieur ; une sorte de mise en veille, de gestation, en attente que ça reparte ! Je ne parle pas des temps d’être, ni de récréation, ni de vacances ou de récupération.  Ce n’est pas non plus un burn out ! Encore moins un passage dépressif !!

C’est une sorte de descente, une pénétration plus profonde dans mon antre, ma caverne intérieure ! J’évoque ainsi  mon être, le tréfonds de mon être. Elle se fait naturellement, en douceur, plus que je ne la décide ; j’ai l’image d’être prise par une force centripète, de vivre un retour au noyau, aux forces psychiques premières, où la matière est en fusion, mais pas encore modelée. Quelque chose s’y passe : entre conscience et inconscience ;  un travail souterrain dont je ne sens que des effets : un bienfait, une paix,  une confiance, une assurance que ce n’est pas vain et même, un passage obligé. J’y vis une sorte de rechargement des forces physiques,  et plus particulièrement psychiques. Un tel bain m’unifie, et des émergences nouvelles ou des actualisations  se donnent à percevoir :lumières,  intuitions, ou actes  à poser.  Ma conscience profonde est en mode radar, en mouvement.
Ainsi dans le processus de création: combien de  fois  s’en suivent des actes poussés de l’intérieur, qui s’enchainent, se déroulent avec cohérence et élaborent une œuvre ! Ce sont eux qui façonnent la matière et dessinent un chemin !  Ma main travaille en amont quasiment de ma tête. Je n’ai que le sentiment de suivre un fil  que je ne peux lire … qu’après coup! A cet endroit, je peux dire avec Antonio Machado : «  Il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en marchant… »


Les premières fois, j’étais très surprise, pire : déroutée,  affolée, comme si tout s’arrêtait !!?
Alors, oui, j’ai dû apprendre à accueillir de telles périodes, à les apprivoiser, à compter avec elles, puis, sur elles ; Aujourd’hui, j’identifie mieux ce processus, et j’y consens : il participe de la croissance, par une phase de gestation, de  jachère ; il n’a rien d’un temps mort, si ce n’est en apparence, car le « rendement  extérieur» est amoindri ! Je n’y suis pas passive ; je vis une attention, une écoute bien active, une confiance, une patience et une docilité ! Des choses  mijotent et prennent forme en temps voulu que j’ai à mettre en œuvre, en leur temps !
Aujourd’hui, je l’intègre comme un bon fonctionnement en moi, car  de là sort le meilleur de moi ! Rater ces rendez-vous serait passer à côté de ma vie, et de ma vocation !
Je me sens de la trempe des arbres, dans cette lente maturation, à croissance lente, mais assurée.

N’ayons pas peur de ces grandes plongées ! Ne les confondons pas avec  des mouvements dépressifs ou des pannes ; j’y saisis bien plutôt une convocation, un grand RDV  avec le plus fondamental  de soi.
 Comment ne pas faire le lien avec les temps de ralentissement ou  d ‘arrêts forcés cette année, de par la crise et le confinement ? Ils ne sont certes pas de même nature, et autrement graves ; n’empêche, ne pouvant y échapper, se pourraient-ils qu’ils puissent se prêter à vivre une telle intériorisation ?

Connaissez-vous quelque chose de ce goût-là ?Est-ce propre au processus de création, quelque soit le domaine ? Etes-vous en questionnement ou en désarroi quant à de telles expériences ? N’hésitez pas à  partager la vôtre! Et si vous souhaitez en parler, vous pouvez vous rapprocher d’un formateur.

Bon plongeon dans ces bains d’être « XXL » !  Gageons que des germes nouveaux s’élaboreront en leur temps.
Que ce début d’année soit de cette trempe là !

Les stages « Vivre mon authenticité »  et « La vie en moi et ses entraves » vous permettent de déployer largement qui vous êtes

Valérie BITZ, Formatrice agréée PRH

10 commentaires sur « Entrée en hiver : accueillons les temps de latence ! »

  1. La description de ce phénomène d’intériorisation me remplit de joie. A sa lecture, j’avais la sensation de lire du Teilhard de Chardin, dont j’ai toujours admiré les intuitions ! Il me semble que la création artistique demande une grande confiance, une bienveillance certaine, et un goût de l’inconnu. Et ce temps d’arrêt intérieur, si bien décrit, qui n’est pas de la dépression (merci de nous le signaler!), mais qui peut donner le vertige, m’apparaît comme un temps SACRE de présence à soi-même qui emmène plus loin que soi-même, et au cours duquel on accueille une réponse sure à notre désarroi de ne pas connaître le chemin. Ainsi s’engager pleinement dans la vie relève pour moi de l’oeuvre d’art.
    Grand merci, Valérie, pour ce témoignage.

  2. Coucou Marie, Ce texte m’a bien plu, car il m’a fait comprendre que quand je suis en panne de travail « conscient », il se passe malgré tout un travail d’intégration, de maturation, tout comme fonctionnent les arbres (sauf qu’en nous les saisons ne jouent pas). Ca m’a rassurée ! Sauf que je pense qu’il faut nourrir la flamme en ayant des activités « nourrissantes » comme des lectures, des textes, des vidéos, des contacts etc, etc…. Bonne journée Marie et bisous. A demain. 🐈🐿🌼🍁

  3. Les insectes des cours d’eau de montagne l’enseignent des choses semblables : le ver d’eau, ou porte-bois, s’enferme dans un fourreau constitué de brindilles de bois ou grains de sable, devient une nymphe. Au bout d’un temps plus ou moins long éclôt l’insecte adulte, la phrygane.
    Les temps où en apparence rien ne se passe ne sont pas stériles, j’entends une invitation à voir au-delà des apparences

  4. Un passage obligé ? Si la grâce m’est donnée !

    L’article interroge la capacité à m’accueillir, à me recevoir et jusqu’où je peux M’accueillir ?

    En temps normal, je dirai que je n’ai pas demandé à naître. Puis que j’y suis, je vais m’accueillir. Aussi loin que possible, jusqu’à m’accueillir comme une graine (puisque l’image de l’arbre est proposée) et consentir à ma propre conception.

    Un pressentiment qu’il y ait une blessure originelle peut me conduire sur ce chemin, et sans blessure originelle, je peux aussi y aller, c’est un enfoncement en Soi, (en Dieu) pour toucher et goûter la grâce originelle.

    C’est un chemin archaïque où le conscient et l’inconscient sont au rendez-vous, tout le monde ne peut pas risquer de prendre ce chemin. On se rend compte qu’on y est et alors on se demande si on continue ou pas … Prudence !

    L’enjeu est de taille : Me recevoir jusqu’au bout, dans ma totalité. Que chacun puisse vivre à son rythme. Il y aura des automnes et des hivers. Ce dont je suis certain, ce temps de latence conduit petit à petit à un amour inconditionnel.

    c’est un programme de vie et non d’une année et Il faut bien commencer un jour !

    MERCI

  5. Bonsoir Valérie
    Je me sens touchée par ton partage et les images que tu as choisi.
    Je ne me sens pas « artiste » et pourtant je sens une baisse d’énergie évidente en automne et en hiver.
    J’aimerai pouvoir m’arrêter alors et plonger en moi comme tu le décris si bien.
    Ma vie personnelle et ma vie professionnelle ne me donnent pas cet espace qui pourtant je le crois m’ouvrirait à une nouvelle lueur, une lumière différente, une énergie renouvelée.
    Oui je le crois profondément le temps d’interiorisation et de Repos sont import pour nos corps et nos psychismes.
    Et certains peuples, certaines communautés l’ont bien compris en instituant un jour de Repos complet dans une semaine.
    J’aime beaucoup quand tu parles de l’accueil du réel.
    C’est difficile quelquefois et laborieux et cela demande, oui, de la docilité, de la patience, un travail qui nous pousse jusqu’en nos racines profondes.
    La Paix que je ressens quand je touche à mon extrême Pauvreté me donne la Force et la Confiance à l’Abandon nécessaire selon moi pour recevoir ce qui m’est nécessaire pour vivre et agir à partir de mon Être profond.
    Merci Valérie
    Anne Marie

  6. Magnifique mise en mots Valérie d’un processus de lente maturation. J’aime ton association avec la nature en hiver et ses temps de latence pour reprendre souffle. Nature et humains ne font qu’un. Et je connais quelque chose de ce goût là, cette grande plongée qui peut paraître effrayante. Je suis dans un repos forcé actuellement, immobilisée par un plâtre. Et l’action, l’action qui veut à tout prix s’emparer de moi pour être utile, n’a rien d’autre à faire qu’à lâcher et laisser mijoter. La peinture m’a désertée ces derniers temps. Les couleurs sont descendues tout à l’intérieur de moi, je le sais. Dans mon souterrain intérieur, elles travaillent à unifier mon être. Il n’y a plus qu’à attendre. Être patiente. De ce désarroi en émoi, je laisse advenir. J’ai compris, je ne dois pas rater ce rendez-vous. Merci Valérie !
    Martine

  7. Bonsoir Valérie,
    J’ai beaucoup aimé te lire; je suis touchée et attirée par la qualité de ta présence à toi même, Je n’ai pour moi même pas cette expérience et en même temps j’ai la sensation d’entendre et de comprendre les mots.
    De te lire fait grandir le goût pour ma vie, le goût pour me connaître avec précision.

    Belle année 2021 !
    Marie-Odile

  8. Merci Valérie! Je me retrouve parfaitement dans ce que tu décris. Je ne pratique pas d’ « arts » au sens habituel du terme, mais je vis régulièrement ces temps de plongée en moi d’où je ne sais pas ce qui va naître. Alors je guette, j’attends, je m’ouvre à cet inconnu qui va surgir. Ma manière à moi de faire est d’être dans une attitude « autre » que d’habitude quand je vais me promener, cueillir les fruits que la nature offre en ces temps de latence. En ayant toujours soin de n’en prendre qu’une part car les animaux en ont plus besoin que moi pour passer l’hiver. Cela me met plus consciemment en communion avec le cosmos. Et alors, « par la fenêtre des écorces », je contemple ce qui est caché…

  9. Cela me fait sentir ce temps d’intériorité comme un temps de gestation, de vie intérieure qui descend profondément, s’ancre pour être ensuite poussé, extériorisé, pour naitre, co-naitre, voir re-naitre. Merveilleux, traversant, transcendant !

  10. Merci pour vos échos! J’entends vraiment combien ça vient nous chercher dans un « oser davantage » vivre de cette vie profonde, et qui, sans être dans l’action, n’est pas dans la passivité; quel équilibre, j’avoue! Qu’ils vous soient nourrissants, et cela peut passer par des lectures, des contemplations, des essais de nouvelles choses en lien avec le meilleur de soi! Je vous souris!

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