Marie-Françoise, une femme passionnée par l’éducation relative à l’environnement

Pendant 24 ans, Marie-Françoise Bossis a enseigné en maternelle et CP dans des établissements scolaires. Elle a ensuite été chef d’établissement, avant de coordonner l’ensemble Scolaire niortais, un réseau de 7 établissements, de la maternelle au BTS jusqu’en 2017. Marie-Françoise est actuellement en FPM (Formation personnelle Méthodique).

Le blog de PRH : Marie-Françoise, peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?

Marie-Françoise Bossis : Je distingue trois étapes dans ma vie professionnelle. J’ai d’abord enseigné en maternelle et en CP dans différentes petites écoles du Sud-Vendée.  Au bout de ces quinze ans, j’ai eu envie d’arrêter car quelque chose manquait à ma pratique, je me sentais trop déconnectée du réel, du vivant. J’étais passionnée de pédagogie mais je sentais un besoin de relier les apprentissages à la réalité quotidienne des enfants, au contexte de l’école (ville, campagne…). Je cherchais comment les rendre curieux de de leur environnement naturel et humain.

Au cours de cette recherche, j’ai découvert le Groupe Régional d’Animation et d’Initiative en éducation relative à l’Environnement (GRAINE Pays de la Loire). J’y ai rencontré d’autres enseignants et des animateurs nature qui encadraient des classes découvertes ou des sorties diverses pour éduquer enfants et adultes. J’ai eu alors envie d’utiliser l’éducation à l’environnement et à la nature comme un axe de ma pédagogie.

Le blog de PRH : Comment as-tu intégré l’environnement dans ta pédagogie ?

Marie-Françoise Bossis : Nous avons initié avec ma collègue, des projets annuels sur une thématique choisie dans notre environnement naturel : la forêt, puis l’eau et enfin la ferme. Nous avons construit ces projets en reliant les différents apprentissages à la thématique retenue. Les différents domaines d’apprentissages étaient sollicités pour les besoins de l’avancée du projet. Nous sentions les élèves motivés, acteurs, engagés.

Par exemple, pour le projet sur l’eau, nous avons cherché à comprendre d’où venait l’eau qui traversait notre ville et où elle allait. Toute l’année, nous avons réalisé des enquêtes, des sorties, chaque fois que c’était possible. Nous avons exploré des cartes, repéré les cours d’eau, les routes, les affluents, l’estuaire, la mer. Nous avons fait des calculs… A chaque étape, nous avons eu besoin de garder des traces, il nous fallait donc enregistrer, photographier, écrire ce qui motivait tous les apprentissages fondamentaux : lecture, écriture, mathématiques… Dans le concret, les enfants ont appris à observer, interroger, vérifier, argumenter. Ils ont expérimenté la démarche scientifique.

Nous avons été aussi attentives à ce qu’ils vivent une vraie rencontre sensible avec les éléments naturels. Notre objectif était de leur donner les moyens de construire leur rapport au monde, d’en acquérir une connaissance intime, intuitive, symbolique et affective : vivre des balades contées, patauger dans la source, construire des petits moulins ou des petits bateaux avec des éléments naturels, réaliser des instruments de musique avec quelques feuilles ou branchages, etc…

Ces trois projets ont été fondateurs pour la suite de ma pratique. Un enseignement toujours connecté au réel, voilà ce qui avait du sens pour moi. L’environnement, le vivant, étaient le cœur des apprentissages scolaires.

Le blog de PRH : As-tu eu envie de transmettre cette pédagogie particulière ?

Marie-Françoise Bossis : C’est tout à fait ça ! Quand je suis devenue chef d’établissement dans une autre école, j’ai eu envie d’embarquer tout le monde : enfants, enseignants, parents. Mais j’ai aussi senti qu’il fallait y aller doucement. Nous avons donc commencé avec un thème fédérateur : « Oiseaux chanteurs, oiseaux enchanteurs, bienvenue chez nous ! » pour lequel nous avons suivi les étapes de la pédagogie de projet et utilisé la pédagogie du sensible, de l’imaginaire, du poétique. Les CE et CM ont fait une sortie avec la Ligue de protection des oiseaux, les CP ont observé les rapaces. Les CE1 font une recherche sur les arbres. Les enfants ont appris à identifier les oiseaux, leurs chants, ils ont construit des nichoirs et des mangeoires…Toute la communauté éducative a été embarquée pour aménager l’école afin d’y accueillir des oiseaux. C’est bien tout un collectif qui s’est engagé, avec l’appui de partenaires.

Le blog de PRH : Ce projet au niveau d’une école t’a donné envie d’aller plus loin ?

Marie-Françoise Bossis : Oui, j’ai initié un engagement sur un réseau d’établissements. D’abord dans un projet éco-école, puis, avec neuf établissements, dans un réseau « Agenda 21 scolaire », en référence au sommet de la Terre à Rio en 1992. Tous les acteurs de l’école sont associés au projet : élèves de la maternelle au BTS, enseignants, personnels d’accueil, de restauration, d’entretien, parents. Des projets multiples sur des thématiques spécifiques (alimentation, déchets, énergie, eau, solidarité, biodiversité, climat, santé) sont déclinés dans chaque établissement. Des comités de pilotage animent le projet et déterminent les modalités de désignations des ambassadeurs « agenda 21 » (représentants élèves pour leur établissement).  Les ambassadeurs sont rassemblés deux fois par an, une fois en début d’année pour motiver leurs actions et en fin d’année pour valoriser leurs projets : une dynamique enthousiasmante et mobilisatrice pour les jeunes et les adultes !

Le blog de PRH : En quoi l’éducation relative à l’environnement participe-t-elle à la croissance des jeunes ? Quels en sont les fruits dans leur éducation ?

Marie-Françoise Bossis : En invitant les jeunes à participer à un projet concret, on leur permet de construire leur rapport au monde de manière constructive et positive. Ils font l’expérience d’un pouvoir d’action là où ils vivent, dans un périmètre à leur mesure.

Ils apprennent à tisser un lien concret avec les éléments naturels et éveiller leur sensibilité et leur imaginaire au contact direct avec ces éléments. Par exemple, dans l’école, nous avions créé un jardin potager dans lequel les enfants pouvaient aller pendant les récréations. Ce passage au jardin les aidait à se détendre, à trouver le calme en eux. Nous, enseignants, avions constaté au fil de l’année que nous avions de moins en moins besoin d’intervenir pour gérer des situations de tensions dans la cour de récréation.

En grandissant, ils apprennent à mieux identifier les problématiques environnementales, en comprendre les enjeux, identifier la pluralité des acteurs et leurs différences de points de vue.

Le projet d’éco-école a confirmé les observations faites dans les deux écoles. Avec l’éducation relative à l’environnement, les élèves apprennent à construire un argumentaire, à écouter l’argument de l’autre, à se mettre à sa place, à savoir nommer ses convictions, à être capable de les remettre en cause, voire à y déroger, de bouger un peu, de sortir d’une posture rigide, de partager des valeurs, à réfléchir comment on gère quand on n’a pas les mêmes valeurs. C’est donc aussi une éducation au discernement, à la citoyenneté, à la critique constructive, une invitation au questionnement : où est la source quand j’affirme quelque chose ? Et donc, par l’éducation relative à l’environnement, des jeunes peuvent être éveillés au politique, au débat démocratique, à l’engagement et à la solidarité.

Le blog de PRH : Qu’est-ce que cet engagement a changé pour toi ?

Marie-Françoise Bossis : Cela a donné une cohérence à ma vie professionnelle. J’ai pu vivre mon enseignement et l’animation des équipes en lien avec mes valeurs et en respectant mes intuitions initiales. J’ai été mobilisée intellectuellement pour rejoindre des chercheurs en éducation relative à l’environnement pour identifier des concepts, des stratégies pédagogiques adaptées à l’âge des jeunes, à structurer les partenariats avec tous les acteurs, parties prenantes des établissements scolaires.

Enseigner et fédérer les équipes en prenant en compte l’éducation relative à l’environnement, c’était me respecter. Pour moi, cela donnait du sens à ma vie et c’était ma manière de m’engager en faveur du vivant et du respect de la vie sur terre.

Le blog de PRH : En quoi la formation PRH t’a-t-elle aidée ?

Marie-Françoise Bossis : La formation PRH m’a aidée à faire confiance à mes intuitions, à oser exister dans mon identité professionnelle, tout en prenant en compte le réel, les personnes avec lesquelles j’interagissais et les situations. J’ai pris au sérieux ce qui m’habitait : mes convictions, valeurs, connaissances, invitations et j’ai appris à me sentir responsable et à honorer du mieux que je pouvais cette responsabilité vis-à-vis des enfants, des adultes, du vivant sur cette terre. La formation PRH m’a permis de mieux identifier que, dans mon roc d’être, il y avait mon identité d’enseignante, ma connexion au vivant. Mon identité professionnelle était ancrée, différenciée, affirmée.

Le blog de PRH : Tu es désormais à la retraite : es-tu toujours engagée dans l’éducation à l’environnement ?

Marie-Françoise Bossis : Je sens bien que mon agir essentiel évolue. Avec mon mari, nous avons fait le choix d’aller habiter à la campagne dans une grande maison. Nous souhaitons pouvoir accueillir nos familles, nos amis, des stagiaires ou des touristes. Nous avons un jardin. Nous prenons plaisir à nous occuper du jardin presque quotidiennement. Nous essayons de transmettre ce goût à nos petits-enfants : faire pousser, essayer, patienter, s’émerveiller, se régaler, jouer, créer, vibrer, coopérer, se reposer, ralentir, se restaurer. Je ne peux que me réjouir de voir des enseignants qui font classe dehors.

Bien en-deçà de toutes les discussions concernant les problématiques environnementales, j’ai la conviction que ce qui est le plus urgent, pour se réapproprier notre rapport au monde hors des logiques marchandes et de profits, c’est de permettre aux enfants – et aux adultes ! – de se reconnecter avec la terre, avec les éléments naturels et de les laisser agir dans ces environnements, pour se sentir reliés au vivant sous toutes ses formes. Je sens bien aussi combien le contact avec les éléments permet de ralentir et de s’inscrire dans le rythme des saisons. Il invite au retour sur soi, à la méditation.

Propos recueillis par Jeanne Bonnaud, formatrice agréée PRH

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