Olivier Marze, directeur d’association dans le domaine du handicap : « Vivre l’essentiel au cœur de l’important »

Olivier Marze, 59 ans, marié, 3 enfants, dirige une structure d’accueil de personnes en situation de handicap. Dans son association, il met en œuvre ce qu’il nomme l’inclusion réciproque et qui donne un sens particulier à son engagement.

Le blog de PRH : Olivier, peux-tu présenter ton parcours ?

Olivier Marze : J’ai toujours été entraîné vers les groupes humains, la dimension humaine. Enfant déjà, j’ai fait du scoutisme, fréquenté l’aumônerie.

Dans mon parcours professionnel, j’ai exercé des fonctions dans les ressources humaines. En tant que manager, j’avais en moi la question de savoir comment on peut arriver à se développer les uns les autres, mais aussi la question de la rencontre : comment se rencontrer vraiment dans le monde professionnel ?

Il y a 16 ans, j’ai quitté le secteur marchand pour le secteur non lucratif, d’abord dans le secteur de la santé puis récemment en rejoignant l’association Sainte-Agnès, dont je suis le directeur. La dimension de handicap m’attirait car j’étais personnellement sensibilisé par le handicap d’un neveu.

Le blog de PRH : Peux-tu présenter l’association ?

Olivier Marze : L’association accompagne des adultes en situation de handicap mental, notamment par le travail en ESAT (Établissement de service et d’accomplissement par le travail), par l’hébergement et un accueil de jour. Elle a pour mission de renforcer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans une société plus accueillante et ouverte à la différence.

L’association est un lieu de profonde humanité, une structure à taille humaine dans laquelle nous disons : « On vient vivre l’essentiel au cœur de l’important »

 Le blog de PRH : Vous travaillez en équipe, que vis-tu avec elle ?

Olivier Marze : avec les collègues je viens vivre une rencontre, comme avec les personnes en situation de handicap. Je suis dans l’accueil, l’accompagnement, pas dans une position de protecteur, de sachant. Je suis dans une relation d’égal à égal, m’enrichissant de la parole des personnes en situation de handicap comme de celles sans handicap reconnu. Leur parole est différente de la mienne, elle est égale à la mienne. Ces personnes ont des compétences que je n’ai pas, elles ont quelque chose à m’apprendre.

On demande aux personnes en situation de handicap de faire des pas, d’aller dans le monde ordinaire et de s’adapter, mais ce n’est pas à elles seules à faire un chemin. C’est à chacun de faire un bout de chemin.

C’est comme à l’école où ce sont les enfants en situation de handicap qui doivent s’adapter. Personnellement, je me demande quel chemin doit faire l’école pour que les enfants ne soient pas les seuls à s’adapter ?

L’inclusion ne doit pas être à sens unique, elle doit être réciproque.

Le blog de PRH : Tu parles d’inclusion réciproque : peux-tu la définir ?

Olivier Marze : L’inclusion réciproque c’est quand chacun fait un bout de chemin l’un vers l’autre.

Cette posture me remet en question. Comment je porte cette nouvelle vision d’horizontalité ? – pas d’égalité, je préfère le mot d’horizontalité dans la relation. Elle m’oblige à envisager autrement la relation avec l’autre, à ne pas être dans un rapport hiérarchique. Ça me met dans la posture d’apprendre de l’autre. Dans la pratique ce n’est pas évident de passer de la tête au cœur.

Le blog de PRH : Qu’est-ce que cette posture d’inclusion réciproque change dans la relation ?

Olivier Marze : De mon côté je ne peux qu’être vrai, même dans les rencontres informelles. Par exemple, tous les matins je croise une personne qui sort ses poubelles, elle vient vers moi avec un grand sourire, elle est tout de suite dans la relation, tout comme une autre personne qui me dit d’emblée ce qu’elle vit, sans tabou. Ces personnes vont tout de suite à l’essentiel, elles ne disent pas bonjour en passant mais sont tout de suite dans la rencontre, authentiques. Je peux leur dire moi aussi ce que je vis.

Le blog de PRH : Et avec l’équipe ?

Olivier Marze : Ayant dû me séparer d’un responsable de service, j’ai ouvert un espace autour de ce départ en réunissant les responsables de service pour en donner le sens; même si c’est difficile. Pour libérer la parole je dois commencer par moi, me laisser être vrai. Avec l’appui de nos repères communs et la proposition d’une parole libre, chacun se sent autorisé à exprimer son désaccord, même si ce n’est pas confortable pour moi. J’ai à travailler chez moi ce qui m’empêche d’être dans la rencontre, d’être capable d’accueillir ce que l’autre me dit, ce qui n’est pas simple dans mon histoire.

Si, en tant que leader je ne me transforme pas, je reste un donneur d’ordre, et ce n’est pas ce que je veux vivre. C’est ce cheminement en équipe qui permet à la culture humaine de se transformer.

Le blog de PRH : Peux-tu nous donner un exemple d’inclusion réciproque dans ton management ?

Olivier Marze : Nous avons changé le fonctionnement des réunions de responsables de service. Avant, c’est toujours moi qui animais. Maintenant ce sont deux autres personnes qui animent ;  moi, je pose le cadre, les enjeux et j’interviens si besoin. Ça allège, laisse plus d’espace à chacun, je lâche le contrôle. C’est régénérant et je suis disponible pour autre chose.

L’inclusion réciproque, c’est un bout de chemin l’un vers l’autre, en acceptant nos différences.

Pour avancer ensemble, toute l’équipe s’est formée, moi compris. Je pars du principe que si le leader ne travaille pas sur lui, il ne sera pas à l’aise pour partager ses émotions et ne permettra pas aux autres de le faire. Je prends souvent l’image de l’escalier : on ne commence pas à le balayer par le bas.

Le blog de PRH : On peut dire que l’inclusion réciproque est née de votre vécu ?

Olivier Marze : C’est une vision qui se construit petit à petit, elle commence à être vécue dans l’équipe et s’incarne par exemple dans le projet de la construction d’un nouveau bâtiment. Dans nos échanges horizontaux a émergé ce projet, à la fois pour l’ESAT et pour accueillir des entreprises. Ce projet apporte autre chose, une expérimentation : les entreprises qui viennent font le choix de partager les espaces communs, lieux de travail et lieux de vie avec les personnes en situation de handicap et de faire naître la rencontre avec elles. Si le projet a émergé c’est venu d’un ensemble avec les personnes en situation de handicap, les collègues, avec notre environnement, les entreprises, nos partenaires…

Je vois ce que ça provoque quand on en parle : c’est concret, pas des mots mais un lieu, des espaces partagés pour favoriser la parole, la rencontre.  C’est une incarnation modeste du rêve de changer le monde.

Propos recueillis par Marie Gambiez, Collaboratrice PRH

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