Fondateur des communautés de l’Arche, lieux de vie rassemblant des personnes avec ou sans handicap mental, Jean Vanier est décédé cette semaine. Voici quelques traits de sa personnalité, qui m’ont touché, au travers d’écrits, de conférences, de brèves rencontres et de moments passés dans différentes communautés de l’Arche.
La chose la plus marquante est peut-être l’importance qu’il accorde à chaque être humain pour lui-même. A l’Arche, il n’y a pas de personnes handicapées ou valides : il n’y a que des personnes. On ne regarde pas les gens au travers de leur handicap, on ne colle pas d’étiquettes. C’est une conception de la vie où ce qui a de la valeur avant tout, c’est l’être humain, quel qu’il soit, quels que soient ses avoirs ou capacités de faire. Et, comme notre société peut avoir tendance à rejeter ou ignorer les plus petits ou les plus fragiles, c’est à eux que l’Arche accorde l’importance la plus grande. C’est une idée aussi simple que révolutionnaire (par rapport aux conceptions et pratiques dominantes), car on expérimente ainsi une micro-société fondée réellement sur l’humain, où chacun est respecté parce qu’il est un être humain. Et, dans cette prééminence accordée au plus faible, on découvre que c’est toute personne qui est davantage valorisée.
J’ai été très frappé par la capacité de gratuité de cet homme. Il y a environ 5 ans, lors d’un repas de mariage où nous étions invités, notre fille alors âgée de 7 ans vient vers lui. Et ils se mettent à jouer de longues minutes ensemble. On apporte à Jean Vanier son dessert. Et notre fille lui prend sa cuillère, et commence à lui donner à manger. Et lui se laisse faire, simplement, dans de grands éclats de rire et beaucoup de joie partagée. J’ai ressenti alors qu’il n’y avait en lui rien de calculé ni d’extraordinaire : juste le partage de l’instant, comme il se présente, avec qui se présente à lui. M’est revenue alors l’expression d’un philosophe, qui est sans doute le plus beau cadeau qu’on puisse offrir à quelqu’un : faire don de présence. C’est-à-dire être présent à lui, gratuitement, sans calcul ni attente pour l’avenir. C’est sans doute une des plus grandes richesses vécues par cet homme : sa capacité à faire don de présence à chacun…
Jean Vanier n’a pas cherché à fonder quoi que ce soit. Il a juste cherché à être fidèle à sa conscience, comme il l’explique dans plusieurs de ses écrits. Après une longue recherche marquée par l’arrêt d’une carrière militaire prometteuse, de brillantes études de philosophie qui l’engageaient dans l’enseignement, et une quête spirituelle intense, il commence à 36 ans une vie très modeste avec deux personnes handicapées qu’il a sorties d’un établissement spécialisé très difficile. Cette vie simple et précaire, qui ne répond à aucun plan préexistant, interpelle beaucoup d’autres personnes, qui le rejoignent. Et c’est ainsi que l’Arche naît et grandit. Alors, bien sûr, il a les compétences pour organiser, structurer, professionnaliser l’organisme. Mais il continue à être lui-même, et à veiller avant tout à ce que ses convictions et valeurs centrales demeurent au cœur de l’organisme : la joie, l’amour, la bienveillance, et la priorité aux plus petits.
Sa vie est marquée très tôt par une foi chrétienne très vive. Il puise dans la prière et l’Evangile la source de son inspiration. Mais, s’il témoigne de sa foi comme de toutes ses autres convictions, jamais il ne cherche à imposer celle-ci. Il ne vise pas à convertir ni à convaincre qu’il détient la vérité. Au contraire, les foyers de l’Arche sont ouverts à toute personne, quelles que soient ses convictions religieuses. Et, avec l’expansion de cette œuvre dans le monde (40 pays sur les 5 continents), il existe des foyers de l’Arche musulmans ou hindous, selon les religions dominantes des pays.
Jean Vanier est-il un utopiste naïf ? Je ne le crois pas. Certes, il a commis des erreurs, et mis parfois du temps à les reconnaître. Mais ces ombres n’obscurcissent à mes yeux pas tout le reste. Il lui a fallu une bonne dose de foi et de réalisme pour être à l’origine d’un tel organisme, qui accueille plus de 10 000 personnes aujourd’hui, sans compter d’autres initiatives intéressantes qu’il a co-fondées. Et puis, les difficultés quotidiennes réelles auxquelles confronte le vécu des personnes porteuses d’un handicap mental ramènent vite les pieds sur terre aux éventuels idéalistes ! Joies et souffrances sont mêlées dans la vie de Jean Vanier et dans les communautés de l’Arche, comme dans toute vie qui ne s’extrait pas du réel. Et c’est justement une des grandes leçons que je retiens de la vie de Jean Vanier : « il faut aimer le réel », disait-il. Aimer le réel, c’est le regarder en face, l’accepter, vivre avec, et le vivre avec amour.
Merci à lui d’avoir intensément cherché à vivre ainsi.
Régis Halgand, formateur agréé PRH
Quel bel hommage à ce grand homme, au propre et au figuré, sur le conseil d’une amie je suis allée voir le documentaire au cinéma studio de Tours sur cet homme passionné par la vie, le partage, la simplicité, l’humilité, finalement l’amour de l’autre, un moment magique et fort.
Simplement merci !
« …le plus beau cadeau qu’on puisse offrir à quelqu’un : faire don de présence…. »
J ‘ai la chance de voir cette belle réalité de présence gratuite à chacun, même pour un temps court, vécue par la directrice de la maison de retraite où est accueillie ma Maman. Plusieurs fois, je me suis dit je vais lui écrire pour la remercier de cette belle attitude. Plusieurs fois, j’ai reporté en me disant demain. Et je l’ai fait cette semaine. C’est vrai que c’est un immense cadeau, une belle réalité de l’être.
Sa douceur dans son regard, son goût du lien, sa présence dans ses échanges. J’ai trouvé en lui une telle dose d’amour dans ses paroles que cela me fait regouter avec beaucoup de joie ses instants où je l’ai rencontré, écouté. J’ai ri avec lui de tout mon coeur. Merci à toi, Jean Vanier, d’être un bel exemple de vie pleinement entièrement tourné vers l’être humain quel qu’il soit.
Merci beaucoup pour ce bel hommage à jean-Vanier.
Je suis particulièrement rejointe par cette qualité de présence sans calcul, gratuite qui permet les rencontres en accueillant l’autre tel qu’il se présente …
C’est très beau et très bon.Quelque chose d’inédit peut naître …
Merci Régis,
Le départ de Jean Vanier m’a fait te rejoindre, riche de ce que tu nous as partagé lors du dernier week end collaborateurs à Paris.
Je me sens liée à Jean Vanier , et en recevant cette nouvelle, j’ai eu la sensation qu’il rejoignait André Rochais , ces deux hommes tellement épris de l’Homme, Passionnés de la Vie ,engagés radicalement à son service pour que rien ne se perde , dans une vigilance et un soin au plus petit!
J’ai eu le bonheur d’aller écouter Jean, et de fêter avec lui ses 88 puis 89 ans ! Un jour, il a enveloppé , tendrement, de ses grandes mains, les miennes et m’a dit :merci!
Merci, c’est une immense gratitude qui monte en moi , face à cet homme très grand, que j’ai senti « tout petit »!Il connait la valeur de la Vie , de toute vie et a brûlé la sienne à le dire à chacun qu’il a rencontré et à tous!
Puissions-nous cheminer dans cette lumière ! Que la Vie est tellement précieuse, qu’Elle nous appelle à collaborer à Elle , pleinement! Et à collaborer les uns avec les autres!
Je m’associe à cet hommage à Jean. Je suis particulièrement touchée par cet homme qui ne cessait de répéter à qui voulait l’entendre : »tu es plus beau que ce que tu oses croire ». Il a aussi su percevoir dans la personne porteuse d’un handicap un réveilleur de relation, quelqu’un qui vient nous redire le précieux de la relation, qui interroge l’autre dans sa profondeur, qui nous redit que la joie c’est d’être en relation. Il n’y a rien de plus précieux que la relation. Merci Jean d’avoir été cet homme qui a su te laisser toucher par la beauté dans la vulnérabilité.
Je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer Jean Vanier personnellement mais j’ai eu la chance de le rencontrer à travers ses écrits, ses conférences et ses vidéos. J’ai tout de suite été touchée par son humanisme hors de l’ordinaire qui continuera de nous inspirer encore longtemps. Merci Régis de nous présenter cet hommage à Jean Vanier et de le faire avec autant de justesse, de réalisme et de reconnaissance pour ce qu’il est, mais aussi pour son oeuvre.
Personnellement, je ne peux m’empêcher de faire le lien entre lui et André Rochais, fondateur de PRH: deux hommes profondément amoureux de l’humanité qui n’ont jamais décidé d’être fondateurs de quoi que ce soit, qui n’ont jamais recherché la gloire mais qui ont tout simplement suivi leurs intuitions, la source d’amour universel qui les habitait et qui se sont engagés dans l’action concrète un pas à la fois pour participer à un monde meilleur. Avancer ainsi en ce qui fait sens en eux, en vivant le détachement intérieur face au résultat ou à la reconnaissance extérieure, en se laissant conduire par l’unicité de leur être au quotidien est très inspirant pour plusieurs d’entre nous.
Tu as raison Régis de dire « Merci à lui d’avoir intensément cherché à se vivre ainsi » et à toi de nous offrir ta parole pour l’honorer.
Je reste ébahie par cet homme qui a suivi ses intuitions, et cela m’encourage, à ma mesure :
à écouter ce qui se dit
et ce qui se vit au plus profond de moi.
Suivre ses intuitions, faire des erreurs, les reconnaître, tâtonner… mais avancer, toujours, en lien dans la relation. Cela me pousse aussi en avant !!!
Merci Jean, Régis et chacun(e) pour vos témoignages; riches de sens.
La vie de Jean Vanier est un vrai modèle de » Don de Soi » envers toute personne qu’ il a rencontrée ! Avec une grande simplicité , il parvenait à rendre confiance en la vie à ceux qui se sentaient » rejetés » ; avec beaucoup d’ humilité , il disait : » Ce n’ est pas moi qui suis le fondateur de l’ « Arche » ! c’ est le Seigneur qui m’ a envoyé mes deux premiers » collaborateurs » qui m’ ont supplié de les aider ! Je ne savais pas où cela nous mènerait … mais j’ ai eu confiance , car « il » marchait avec nous !!!
Merci pour ces partages qui me permettent de découvrir un peu mieux un homme dont j’ai seulement entendu parler et aussi vos liens à lui.
Bien chaleureusement,
François
Merci, pour cet article si émouvant. À travers ton regard Régis tu me fait rencontrer Jean Vanier dans l’amour de la personne qu’il incarnait si bien.
Merci pour cet hommage à Jean Vanier et les témoignages des uns et des autres qui créent une belle symphonie. Je ressens un silence profond devant le « mystère » et « le sacré » que cet homme laisse entendre, laisse voir, laisse lire et laisse toucher par sa présence. Je suis émerveillé par la fidélité à son appel intérieur et qu’il a su répondre de manière constante tout au long de sa vie. Il est à la fois un homme de son temps et un homme de toute éternité. Sa mission s’arrête mais il demeure une présence réelle que toute personne peut encore le RENCONTRER.
A la lecture de ce blog, je reçois en moi la capacité de « Don de présence » de Jean Vanier comme un merveilleux bouquet coloré qui me parle fortement. Je mets en lien entre cette capacité qu’il avait avec celle de « regarder le réel en face », l’accepter, vivre avec, et le vivre avec amour.
Je me sens profondément heureuse de l’évocation, ici, dans ce Blog PRH, de la très belle personne qu’est Jean Vanier avec tous les fruits de sa vie qui me touchent beaucoup. Merci Régis de ton partage